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Canon
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet

Ce terme signifie règle, selon la force du grec. Il est consacré dans le style de l’Église pour signifier les règles que les conciles ; prescrivent sur la foi, sur la discipline ou sur les mœurs. On l’emploie aussi pour marquer les livres de l’Écriture qui sont reçus pour inspirés et pour canoniques, et pour les distinguer des livres profanes, ou même des livres apocryphes et contestés. On dit, par exemple, que la Genèse est dans le canon sacré des Écritures, et qu’elle est reconnue pour canonique par les Juifs et par les Chrétiens. On dit au, contraire que le livre de la Sagesse est dans le canon des Chrétiens, mais non pas dans celui des Juifs. Enfin, on dit que certains livres ont été contestés pendant quelque temps, et n’ont été reçu dans le canon d’un consentement unanime de toutes les Églises chrétiennes, qu’après quelques siècles ; comme la Sagesse, l’Ecclésiastique, Tobie, Judith, les deux premiers Livres des Machabées, Baruch ; et pour le Nouveau Testament, l’Épître aux Hébreux, la seconde de saint Pierre, les seconde et troisième de saint Jean, et l’Apocalypse. [Voyez, quant au temps où l’Église a formé son canon et l’a publié authentiquement pour la première fois, ma dissertation sur le Canon des livres Saints, insérée dans les Annales de philosophie chrétienne, tome 24. pages 85, et suiv (S)].

Les Hébreux n’admettent que vingt-deux livres dans le canon des saintes Écritures ; ou au plus vingt-quatre, en séparant Ruth des Juges, et les Lamentations de Jérémie. On peut voir la manière dont ils les distribuent dans, leur Bible, ci-devant, sous l’article Bible. Ils croient communément que le canon des Écritures ne fut fermé, comme ils parlent, c’est-à-dire que le nombre des livres inspirés qu’il renferme, ne fut fixé à vingt-deux, de la manière que nous l’avons dit, qu’au temps d’Esdras. Esdras du consentement du conseil général de toute la nation, ramassa tout ce qu’il y avait alors de livres sacrés et inspirés parmi les Juifs, en composa un corps, et régla ce que nous, appelons le canon sacré des Écritures ; en sorte que depuis ce temps, les Juifs, n’ont admis aucun livre au rang des canoniques, du moins n’en ont-ils reçu aucun au même rang d’autorité que les premiers, comme nous l’apprend Josèphe, qui dit que depuis Moïse, jusqu’au règne d’Artaxerxès, roi de Perse, les Juifs ont reçu des prophètes vingt deux livres qu’ils tiennent pour divins, et auxquels ils n’osaient faire le moindre changement ; et que depuis Artaxerxès, on a continué avec la même diligence à écrire ce qui arrive de mémorable dans la nation ; mais que les livres qui en ont été composés n’ont pas le même degré d’autorité que les premiers.

Génébrard et Serrarius croient que depuis Esdras, les Juifs de la grande synagogue admirent, encore dans le canon les livres composés depuis ce temps, comme la Sagesse, l’Ecclésiastique, Tobie, Judith ; et les deux Livres, des Machabées, quoiqu’ils ne leur donnassent pas la même autorité qu’aux anciens, quoiqu’ils les tinssent pour inspirés. Mais cela n’est pas sans difficulté ; car, premièrement, il y a assez d’apparence que les livres de Tobie et de Judith ont été composés avant la captivité ; deuxièmement, si les Juifs les eussent tenus pour inspirés, pourquoi ne les pas admettre dans le canon, et au même rang que les autres ? La raison que Josèphe en donne, qui est que depuis Artaxerxès, on n’eut plus chez les Juifs une succession de prophètes comme auparavant, n’est point solide ; car s’ils ont eu parmi eux des hommes reconnus pour inspirés, qui aient écrit les livres dont nous parlons, ces hommes inspirés ne pouvaient-ils pas ajouter leurs livres au canon composé sous Esdras ? Mattathias, Judas Machabée, Simon, et Jonathas, ses frères, n’ont-ils pas eu cette autorité ? Et Jean Hircan, que Josèphe lui-même dit avoir été un homme favorisé de Dieu, et éclairé d’une lumière surnaturelle, ne pouvait-il pas faire la même chose ? l’auteur du second Livre des Machabées (2 Machabées 11.14) dit que Judas Machabée imita le zèle et l’attention de Néhémie à ramasser les livres qui contenaient l’histoire de ce qui était arrivé aux Juifs durant la guerre contre les Syriens. Pourquoi Judas ne mit-il pas ces monuments dans le canon, puisqu’il les jugeait si dignes de ses soins ?

On pourrait peut-être soupçonner les Juifs hébraïsants d’avoir exclu ces livres du canon, parce qu’ils n’étaient pas écrits en hébreu, qui est la langue sainte. Mais ils y ont bien reçu Daniel et Esdras, dans lesquels on trouve d’assez grands morceaux écrits en chaldéen. Or, il est certain que l’Ecclésiastique, Tobie, Judith, et au moins le premier des Machabées, ont été d’abord écrits en cette langue. Ne serait-ce pas aussi la jalousie des Juifs hébraïsants contre les Juifs hellénistes, qui serait cause de cette diversité, et qui aurait fait exclure du canon par les hébraïsants, les mêmes livres que les hellénistes regardaient comme inspirés ? ou enfin, la vaine superstition des Juifs, qui, par un respect mal entendu pour la disposition d’Esdras, n’auraient osé toucher au canon des Écritures qu’il avait formé. Quoi qu’il en soit, c’est sans doute des Juifs ; et apparemment des hellénistes que l’Église chrétienne a reçu ces livres ; et elle ne les aurait certainement pas reçus comme inspirés, et, en cette qualité, ne les aurait pas admis dans son canon, si ceux qui les lui donnaient ne les eussent eux-mêmes reconnus pour inspirés et pour canoniques.

Si les Églises particulières ont délibéré quelque temps à leur donner rang parmi les Écritures sacrées, si quelques docteurs et quelques conciles ne les ont pas comptés dans les catalogues qu’ils ont faits des livres saints, si d’autres les en ont exclus formellement, cela ne doit scandaliser personne. Cette conduite ne prouve autre chose que la grande circonspection que l’Église a apportée à n’admettre dans son canon, que ce qui était réellement inspiré ; et cette réserve doit nous répondre, que si enfin elle s’est déterminée à les y recevoir, elle en a eu de très-bonnes raisons. Il a fallu du temps pour s’assurer de la tradition des Églises sur ce sujet, et pour fixer les doutes de celles qui ne les avaient pas reçus dès le commencement. Ceux des anciens qui ne recevaient pas pour canoniques les livres dont nous parlons, s’attachaient au canon des Hébreux, l’Église chrétienne n’en ayant point encore de solennellement approuvé par un concile général. Mais depuis le concile de Trente, il y a dans l’Église une parfaite uniformité de sentiments et de langage sur ce sujet.

I Le canon des Juifs dans son état primitif n’avait pas pour objet d’indiquer d’une manière exclusive les livres inspirés, mais seulement de faire connaître ceux de ces livres qu’il était permis de lire publiquement dans les synagogues. Voici en abrégé la preuve de cette assertion.

I. Les Juifs qui vivaient du temps de Notre-Seigneur, et dans les siècles qui précédèrent ou suivirent immédiatement cette époque, regardaient comme inspirés tous les livres du canon ; car

1° Ces livres ont été traduits par les Septante et insérés par eux au milieu des autres sans rien qui indiquât une différence dans leur nature. Or, une telle conduite dans des hommes qui ne devaient traduire que leurs livres sacrés prouve bien qu’ils regardaient tous ces livres comme en faisant partie ;

2° Ces livres sont cités comme inspirés par les auteurs du Talmud (Vox. Péronne de Locis théologicis, livre 2) ;

3° Les Apôtres dans leurs épîtres adressées aux Juifs font des allusions fréquentes à ces livres, allusions dont ils se fussent abstenus si ces livres n’avaient pas été reconnus comme inspirés par ceux à qui ils s’adressaient ;

4° Josèphe en cite plusieurs comme Écriture, et dans certains endroits de ses ouvrages il déclare avoir tiré des livres inspirés des faits qui ne se trouvent que dans ceux contenus dans le canon des chrétiens.

II. Cependant tous ces livres ne sont pas dans le canon des Juifs, et voici comment les Juifs ne pouvaient lire dans leur office public que les livres dont les prophètes avaient déclaré l’inspiration, et qui par suite de cette inspiration avaient été déposés à côté de l’arche ou Aron (Voyez saint Épiphane de Pond et Mens., chapitre 4. Eusèbe Préparat. évangélique, livre 22 chapitre 1. 23). Esdras, Néhémie furent, selon la tradition constante des Chrétiens et des Juifs, ceux qui promulguèrent les derniers ce catalogue. Après eux les prophètes ayant cessé de paraître, le grand-prêtre ne rendant plus d’oracles par l’Urim et le Thummim, et l’arche cachée par Jérémie n’ayant pas été retrouvée, le canon ou catalogne authentique se trouva naturellement fermé par l’impossibilité où se trouvaient les Juifs d’établir sous la forme légale l’inspiration des livres composés par les prophètes ou connus à Jérusalem postérieurement à cette époque. Le nombre des livres qui étaient alors inscrits dans le canon étaient de vingt-deux les autres reconnus pour inspirés comme nous l’avons établi en commençant, furent gardés avec respect comme les pierres de l’autel jusqu’à la venue du prophète qui devait venir. Josèphe dans son premier livre contre Appion, saint Épiphane de Ponderibus, n°10, le quatrième livre d’Esdras, reconnaissent cette double classe des livres inspirés.