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Tyr
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet
Westphal Bost

Ville fameuse de Phénicie. Son nom hébreu est Zor ou Tzor, qui signifie un rocher. Aulu-Gelle dit que son ancien nom était Sara. Plaute l’appelle Sara ; et Silius Italicus met Sarranus murex pour Tyrius. La ville de Tyr fut attribuée à la tribu d’Aser (Josué 19.29), de même que les autres villes maritimes du même canton ; mais il ne parait pas que les Asérites en aient jamais chassé les chananéens. Il y a toutefois de fort habiles gens qui soutiennent que Tyr n’était pas encore fondée du temps de Josué, et que Mibzarzor, que l’auteur de la Vulgate a traduit par urbem munitissimam Tyrum, n’est point la ville de Tyr. Isaïe (Isaïe 23.12) nomme Sidon la fille de Tyr, c’est-à-dire sa colonie. Homère ne parle jamais de Tyr, mais seulement de Sidon. Josèphe dit que Tyr ne fut bâtie que deux cent quarante ans avant le temple de Salomon ce qui revient à l’an du monde 2760, et à deux cents ans depuis Josué. Hérodote dit que les prêtres de Tyr disaient que le temple d’Hercule de cette ville avait été bâti avec la ville deux mille trois cents ans avant le temps auquel il écrivait, c’est-à-dire, avant l’an 3596. En sorte que Tyr aurait été fondée en l’an du monde 1296, et trois cent soixante ans avant, le déluge, ce qui est insoutenable.

Mais il semble qu’on peut concilier ces diversités, en reconnaissant deux villes de Tyr, l’une ancienne, connue des anciens sous le nom de Paloe-tyros ; et l’autre nouvelle, nommée simplement Zor ou Tyr. La première était bâtie sur le continent, et c’est là où était le temple d’Hercule, dont les prêtres de Tyr vantaient avec exagération l’antiquité à Hérodote. C’est dans ce temple où les Tyriens répondirent à Alexandre qu’il pouvait aller sacrifier, lorsqu’il leur fit dire qu’il souhaitait aller dans leur ville pour offrir ses sacrifices à Hercule. L’autre Tyr était dans une île, vis-à-vis de l’ancienne, dont elle n’était séparée que par un bras de mer assez étroit. Pline dit qu’il n’y avait que sept cents pas de distance de l’île à la terre ferme. Alexandre le Grand avait comblé tout cet espace pour prendre la ville, et l’île était encore jointe à la terre ferme du temps de Pline.

C’est donc de l’ancienne Tyr que parle Josué. La nouvelle n’était pas encore bâtie du temps de Salomon. Il n’y avait dans l’île qu’un temple dédié à Jupiter Olympien. Dius et Ménandre Ephésien, qui a écrit l’histoire phénicienne, racontent que Hiram, ami de Salomon, avait joint à la ville de Tyr le temple d’Hercule, qui était seul dans l’île, par une levée qu’il fit en jetant dans la mer beaucoup de terre et d’autres matières. Il est vrai que Hiram écrivant à Salomon, lui demanda du blé, parce, dit-il, que nous en avons besoin, demeurant dans une île où notre ville est bâtie mais il y a beaucoup d’apparence que cette circonstance a été ajoutée par Josèphe, puisqu’on lit les mêmes lettres dans Eupolème d’un style assez différent, et où cette circonstance ne se trouve point. On voit encore aujourd’hui quelques vestiges de l’ancienne Tyr, comme de grandes citernes et des restes d’un aqueduc qui conduisait l’eau depuis la terre ferme jusque dans l’île. Cette île avait vingt-deux stades ou 3190, pas de tour, et l’ancienne Tyr avait dix mille pas.

Ménandre d’Éphèse, raconte que Salmanasar, roi d’Assyrie, subjugua toute la Phénicie. Car les habitants de Sidon, d’Ace et de quelques autres villes de ce pays, s’étant séparés de l’alliance des Tyriens, et s’étant donnés auroi d’Assyrie, Salmanasar marcha contre ces derniers, qui ne voulaient pas se soumettre à sa domination, avec une flotte de soixante vaisseaux et de huit cents rameurs. Les Tyriens, n’ayant que douze vaisseaux, lui livrèrent la bataille et la gagnèrent, ayant dissipé la flotte du roi et lui ayant pris cinq cents prisonniers. Salmanasar fut donc obligé de s’en retourner à Ninive, mais. Il laissa au siège de Tyr son armée de terre, qui se saisit des eaux du fleuve et des aqueducs, ce qui ayant duré cinq ans, les Tyriens furent obligés de creuser des puits dans leur ville. Ussérius met cette expédition de Salmanasar sous l’an du monde 3287, sous le règne d’Ézéchias, roi de Juda, avant Jésus-Christ 713, avant l’ère vulgaire 717.

Ézéchiel (Ézéchiel 27 ; Ézéchiel 28) nous décrit assez au long le siège de Tyr formé par Nabuchodonosor l’an du monde 3419, avant Jésus-Christ 581, avant l’ère vulgaire 585. Les savants sont partagés, savoir s’il parle de l’ancienne Tyr ou de la nouvelle. Saint Jérôme croit que c’est de la nouvelle, puisqu’il dit que Nabuchodonosor joignit l’île au continent par la terre, les pierres et le bois qu’il jeta dans l’eau. Marsham, Périsonius et quelques autres croient au contraire que c’est de l’ancienne. Il faut convenir qu’il y a des expressions dans Ézéchiel qui favorisent l’un et l’autre sentiment ; ce qui fait que nous n’osons rien déterminer sur cela. Quoi qu’il en soit, Nabuchodonosor ruina la ville de Tyr ; et les prophètes (Isaïe 23, Jérémie 27.3 ; 47.4, Ézéchiel 26, Ézéchiel 27, Ézéchiel 28) marquent assez-clairement qu’elle ne fut jamais rétablie : ce qui ne peut s’entendre à la rigueur que de l’ancienne Tyr ; car on sait que la nouvelle fut très-florissante depuis Nabuchodonosor. Elle se releva même de sa chute depuis Alexandre.

Isaïe (Isaïe 23.15-17) dit que Tyr demeurera en oubli pendant soixante et dix ans, et qu’après cela le Seigneur la visitera, qu’il la mettra en état de recommencer son premier trafic, et qu’elle se prostituera comme autrefois à tous les royaumes qui sont sur la terre ; mais enfin que tout le gain qui reviendra de son commerce sera consacré au Seigneur et à l’entretien de ses ministres. Il n’est pas aisé de fixer ni le commencement ni la fin de ces soixante et dix ans de l’oubli de la ville de Tyr ; car si l’on en met le commencement à sa prise sous Nabuchodonosor ou sous Alexandre le Grand, il faudra prendre le mot d’oubli dans un sens exagéré, puisque nous lisons que Nabuchodonosor laissa Ithobal pour roi à Tyr, et qu’Alexandre y laissa Abdalonyme, ou Ballonyme, ou Straton ; Car ou trouve tous ces noms dans les anciens, et que ces princes et leurs successseurs y ont régné longtemps ; et nous ne voyons pas que les Tyriens, avant le temps de Jésus-Christ, aient fait paraître aucun zèle pour le Seigneur ni pour son culte. Pour concilier donc les prophéties entre elles, il faut dire que, lorsque les prophètes parlent de la ruine totale de Tyr, ils l’entendent de l’ancienne Tyr, qui ne s’est jamais rétablie ; et que, quand ils prédisent le rétablissement de la même ville, il faut l’entendre de la nouvelle, qui devint très-florissante et qui se releva toujours de ses malheurs ; et qui, ayant enfin embrassé la religion chrétienne, offrit au Seigneur le fruit de ses travaux et de son commerce. Dès le temps de saint Paul (Actes 21.3-4), il y avait déjà un bon nombre de fidèles dans Tyr ; et dans la suite l’Église de Tyr devint très-célèbre. Elle a donné quantité de martyrs, des évêques illustres, et on y a tenu des conciles.

Tyr fut assiégée et prise par les croisés en 1125. Dans un conseil tenu à Jérusalem, dit M. Michaud (Histoire des croisades, tome 2. pages 67-71), en présence du régent du royaume et du doge de Venise, on proposa d’aller assièger Tyr ou la ville d’Ascalon. Comme les avis étaient partagés, on convint d’interroger Dieu et de suivre sa volonté. Deux billets de parchemin sur lesquels on avait écrit les noms d’Ascalon et de Tyr furent déposés sur l’autel du saint sépulcre. Au milieu d’une foule nombreuse de spectateurs, un jeune orphelin s’avança vers l’autel, prit l’un des deux billets, et le sort tomba sur la ville de Tyr…

L’armée chrétienne partit de Jérusalem, et la flotte des Vénitiens du port de Ptolémaïs, vers le commencement du printemps. L’historien du royaume de Jérusalem, qui fut longtemps archevêque de Tyr, s’arrête ici pour décrire les antiques merveilles de sa métropole. Dans son récit à la fois religieux et profane, il invoque tour à lotir le témoignage d’Isaïe et de Virgile ; après avoir parlé du roi Hiram et du tombeau d’Origène, il ne dédaigne point de célébrer la mémoire de Cadmus et la patrie de Didon. Le bon archevêque vante surtout l’industrie et le commerce de Tyr, la fertilité de son territoire, ces teintures si célèbres dans l’antiquité, ce sable qui se changeait en vases transparents, et ces cannes à sucre [Voyez Sucre et Tripoli] dont le miel, dès ce temps-là, était recherché dans toutes les régions de l’univers. La cité de Tyr au temps du roi Baudouin rappelait à peine le souvenir de cette ville somptueuse, dont les riches marchands, au rapport d’Isaïe, étaient des princes ; mais on la regardait comme la plus peuplée et la plus commerçante des villes de Syrie. Elle s’élevait sur un rivage délicieux que les montagnes mettaient à l’abri des vents du nord ; elle avait deux grands môles qui, comme deux bras, s’avançaient dans les flots pour enfermer un port où la tempête ne trouvait point d’accès. La Ville de Tyr, qui avait soutenu plusieurs sièges fameux, était défendue d’un côté par les flots de la mer et des rochers escarpés, de l’autre par une triple muraille surmontée de hautes tours…

Les musulmans, sans espoir de secours, furent obligés de se rendre après un siège de cinq mois et demi. Les drapeaux du roi de Jérusalem et du doge de Venise flottèrent ensemble sur les murailles de Tyr ; les chrétiens firent leur entrée triomphante dans la ville, tandis que les habitants, d’après la capitulation, en sortaient avec les femmes et leurs enfants.

Le jour où l’on reçut à Jérusalem la nouvelle de la conquête de Tyr fut une fête pour tout le peuple de la ville sainte. Au bruit des cloches on chanta le Te Deum en actions de grâces ; des drapeaux furent arborés sur les tours et sur les remparts de la ville ; des branches d’oliviers et des bouquets de fleurs étaient semés dans les rues et suries places publiques ; de riches étoffes ornaient les dehors des maisons et les portes des églises. Les vieillards rappelaient dans leurs discours la splendeur du royaume de Juda, et les jeunes vierges répétaient en chœur les psaumes dans lesquels les prophètes avaient célébré la ville de Tyr.

Plus tard Saladin, voulant faire la conquête de Tyr sur les chrétiens, assiègea deux fois cette ville, et ce fut en vain ; mais dans la suite elle fut détruite par un tremblement de terre (Voyez Tremblement de terre), et tomba enfin au pouvoir des musulmans.

Dans la description que M. de Lamartine a faite de son voyage de Bayruth à Jérusalem, au mois d’octobre 1832, nous lisons (Voyage en Orient, tome 1 pages 290-296) un passage que nous devons rapporter ici. L’illustre voyageur marque son itinéraire de Bayruth « à Saïde, l’antique Sidon, belle ombre encore de la ville détruite, dont elle a perdu jusqu’au nom ; » puis « à une fontaine charmante, au bord de la mer, nommée el-Kantara. Nuit sous la tente… De Kantara parti avant le jour. Gravi quelques collines arides et rocailleuses, s’avançant en promontoire dans la nier, puis, du sommet de la dernière et de la plus élevée de ces collines, voilà Tyr qui m’apparaît au bout de sa vaste et stérile colline.

Entre la mer et les dernières hauteurs du Liban, qui vont ici eu dégradant rapidement, s’étend une plaine d’environ huit lieues de long, sur une ou deux de large : la plaine est nue, jaune, couverte d’arbustes épineux, broutés en passant par le chameau des caravanes. Elle lance dans la nier une presqu’île avancée, séparée du continent par une chaussée recouverte d’un sable doré apporté par les vents d’Égypte. Tyr, aujourd’hui appelée Sour par les Arabes, est portée par l’extrémité la plus aiguë de ce promontoire, et semble sortir des flots mêmes ; de loin vous diriez encore une ville belle, neuve, blanche et vivante, se regardant, dans la mer ; mais ce n’est qu’une belle ombre, qui s’évanouit en approchant. Quelques centaines de maisons croulantes et presque désertes, où les Arabes rassemblent le soir les grands troupeaux de moutons et de chèvres noires, aux longues oreilles pendantes, qui défilent devant nous dans la, plaine, voilà la Tyr d’aujourd’hui ! Elle n’a plus de port sur les mers, plus de chemina sur la terre ; les prophéties se sont dès longtemps accomplies sur elle.

Nous marchions en silence, occupés à contempler ce deuil et cette poussière d’empire que nous foulions. Nous suivions un sentier au milieu de la campagne de Tyr, entre la ville et les collines grises et nues que le Liban jette au bord de la plaine. Nous arrivions à la hauteur même de la ville, et nous touchions un monceau de sable qui semble aujourd’hui lui fournir son seul rempart, en attendant qu’il l’ensevelisse. Je pensais aux prophéties, et je recherchais dans ma mémoire quelques-unes des éloquentes menaces que le souffle divin avait inspirées à Ézéchiel. Je ne les retrouvai pas en paroles, mais je les retrouvai dans la déplorable réalité que j’avais sous les yeux. Quelques vers de moi, jetés au hasard en partant de la France pour visiter l’Orient, remontaient seuls dans ma pensée :

Je n’ai pas entendu sous les cèdres antiques

Les cris des nations monter et retentir,

Ni vu du noir Liban les aigles prophétiques

Descendre au doigt de Dieu sur les palais de Tyr.

J’avais devant moi le noir Liban ; mais l’imagination m’a trompé, me disais-je à moi-même : je ne vois ni les aigles ni les vautours qui devaient, pour accomplir les prophéties, descendre sans cesse des montagnes, pour dévorer toujours ce cadavre de ville réprouvée de Dieu et ennemie de son peuple. Au moment où je faisais cette réflexion, quelque chose de grand, de bizarre, d’immobile, parut à notre gauche, au sommet d’un rocher à pic qui s’avance en cet endroit dans la plaine jusque sur la route des caravanes. Cela ressemblait à cinq statues de pierres noires, posées sur le rocher comme sur un piédestal ; mais à quelques mouvements presque insensibles de ces figures colossales, nous crûmes, en approchant, que c’étaient cinq Arabes bédouins, vêtus de Leurs sacs de poil de chèvre noire, qui nous regardaient passer du haut de ce monticule. Enfin, quand nous ne fûmes qu’à une cinquantaine de pas du mamelon, nous vîmes une de ces cinq figures ouvrir de larges ailes et les battre contre ses flancs, avec un bruit semblable à celui d’une voile qu’on déploie au vent. Nous reconnûmes cinq aigles de la plus grande race que j’aie jamais vue sur les Alpes, ou enchaînés dans les ménageries de nos villes. Ils ne s’envolèrent point, ils ne s’émurent point à notre approche : posés comme des rois de ce désert sur les bords du rocher, ils regardaient Tyr comme une curée qui leur appartenait, et où ils allaient retourner. Ils semblaient la posséder de droit divin ; instruments d’un ordre qu’ils exécutaient, d’une vengeance prophétique qu’ils avaient mission d’accomplir envers les hommes et malgré les hommes. Je ne pouvais me lasser de contempler cette prophétie en action, ce merveilleux accomplissement des menaces divines, dont le hasard nous rendait témoins. Jamais rien de plus surnaturel n’avait si vivement frappé mes yeux et mon esprit, et il me fallait un effort de ma raison pour ne pas voir, derrière les cinq aigles gigantesques, la grande et terrible figure du poète des vengeances, d’Ézéchiel, s’élevant au-dessus d’eux et leur montrant de l’œil et du doigt la ville que Dieu leur donnait à dévorer, pendant que le vent de la colère divine agitait les flots de sa barbe blanche, et que le feu du courroux céleste brillait dans ses yeux de prophète. Nous nous arrêtâmes à quarante pas : les aigles ne firent que tourner dédaigneusement la tête pour nous regarder aussi : enfin deux d’entre nous se détachèrent de la caravane et coururent au galop, leurs fusils à la main, jusqu’au pied même du rocher ; ils ne fuirent pas encore. Quelques coups de fusil à balle les firent s’envoler lourdement, mais, ils revinrent d’eux-mêmes au feu, et planèrent longtemps sur nos têtes, sans être atteints par nos balles, comme s’ils nous avaient dit : Vous ne nous pouvez rien, nous sommes les aigles de Dieu.

Je reconnus alors que l’imagination poétique m’avait révélé les aigles de Tyr moins vrais, moins beaux et moins surnaturels encore qu’ils n’étaient, et qu’il y a dans le mens divinior des poètes, même les plus obscurs, quelque chose de cet instinct divinateur et prophétique qui dit la vérité sans la savoir.

Nous arrivâmes à midi, aprèsiine marche de sept heures, au milieu de la plaine de Tyr, à un endroit nommé les Puits de Salomon…

Parti à cinq heures des Puits de Salomon marché deux heures dans la plaine de Tyr ; arrivé à la nuit au pied d’une haute montagne à pic sur la mer et qui forme le cap ou Raz-El-Abiad ; la lune se levait au-dessus du sommet noir du Liban, à notre gauche, et pas assez haut encore pour éclairer ses flancs ; elle tombait, en nous laissant dans l’ombre, sur d’immenses quartiers de rochers blancs où sa lumière éclatait comme une flamme sur du marbre ; ces roches, jetées jusqu’au milieu des vagues, brisaient leur écume étincelante, qui jaillissait presque jusqu’à nous ; le bruit sourd et périodique de la lame contre le cap retentissait seul et ébranlait à chaque coup la corniche étroite où nous marchions suspendus sur le précipice ; au loin, la mer brillait comme une immense nappe d’argent, et, çà et là, quelque cap sombre s’avançait dans son sein, ou quelque antre profond pénétrait dans les flancs déchirés de la montagne ; la plaine de Tyr s’étendait derrière nous ; on la distinguait encore confusément aux franges de sable jaune et doré qui dessinaient ses contours entre la mer et la terre ; l’ombre de Tyr se montrait à l’extrémité d’un promontoire, et le hasard, sans doute, avait seul allumé une clarté sur ses ruines, qu’on eût prise de loin pour un phare ; mais c’était le phare de sa solitude et de son abandon, qui ne guidait aucun navire, qui n’éclairait que nos yeux et n’appelait qu’un regard de pitié sur des ruines. Cette route sur le précipice, avec tous les accidents variés, sublimes, solennels, de la nuit, de la lune, de la mer et des abîmes, dura environ une heure, une des heures les plus fortement notées dans ma mémoire, que Dieu m’ait permis de contempler sur sa terre ! sublime porte pour entrer le lendemain dans le sol des miracles ! dans celte terre du témoignage, tout imprimée encore des traces de l’ancien et du nouveau commerce entre Dieu et l’homme. [Voyez Keith, Accomplissement des prophéties, et Poujolat, Correspondances d’Orient, lettr. 136, tome 5, pages 489-510].