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ÉTRANGERS
Dictionnaire Biblique Lelièvre
Bost

Les étrangers résidant au sein du peuple d’Israël constituaient une classe sociale nettement distincte de toute autre. Leur situation particulière s’explique par la nécessité où ils étaient de trouver protection auprès des habitants du pays. La sécurité de l’existence n’était pas garantie par une force armée, gendarmerie ou police, mais par « le lien du sang Â» qui attachait l’homme à sa famille ou à son clan et par la coutume de la vendetta qui en découlait. On était protégé par le fait qu’une impitoyable vengeance (voyez ce mot) s’appesantissait sur le meurtrier. Mais l’étranger, isolé dans le pays, sans aucun lien de parenté avec ceux qui l’entouraient, ne pouvant compter sur aucun « vengeur du sang Â», se savait à la merci des gens mal disposés, et il y en avait beaucoup en un temps où tout étranger était facilement tenu pour un ennemi.

Force lui était donc de chercher sécurité dans la protection d’une famille israélite dont il devenait, en quelque sorte, le « client Â» et au sein de laquelle il occupait, de ce fait, une place spéciale, qui lui valut un nom particulier. Ce nom, nos traductions de la Bible l’ont rendu par « l’étranger Â» (voir le 4° commandement : « ... l’étranger qui est dans tes portes Â»), mais en hébreu, ce nom n’était pas celui qui désignait n’importe quel homme d’une autre nation. Il y avait un mot pour désigner l’homme qui est de l’autre côté de la frontière, et c’est ce mot-là (« nokri Â») qui est bien traduit par « Ã©tranger Â». Mais il y avait aussi un nom spécial pour l’étranger résidant en Israël : cet homme était le « guér Â», mot qui signifiait « séjournant Â», mais qu’on rendrait assez bien par « client Â» ou « protégé Â». La protection qui lui était accordée était celle qui s’étendait sur tous les membres de la famille, à laquelle il était censé appartenir, tout comme l’hôte de passage. Le « lien du sang Â» s’étend à tous ceux qui demeurent, pour, quelque durée que ce soit, dans la maison de l’hôte. L’hospitalité implique le devoir de défendre et, au besoin, de venger l’étranger que l’on héberge.

Néanmoins, ce client, lorsqu’il est fixé à demeure dans une famille, y a une situation très dépendante et probablement peu enviable. Peut-être ne faut-il pas attacher trop d’importance au fait qu’il n’est fait mention de lui, dans le 4° commandement, qu’après le bétail mais sans doute faut-il penser que, si la législation intervenait souvent en sa faveur, c’est qu’il était fréquemment nécessaire de le protéger contre ses protecteurs ? « Tu ne maltraiteras pas l’étranger et tu ne l’opprimeras pas, car vous avez été étrangers dans le pays d’Égypte Â» (Exode 22.21). Le livre des Psaumes appelle la vengeance de Yahvé sur les méchants qui égorgent « la veuve, l’étranger et l’orphelin Â» (Psaumes 94.6), c’est-à-dire ceux qui ne sont pas toujours aussi bien défendus qu’ils devraient l’être. Sans doute ne s’agit-il pas, dans ce texte, de meurtre proprement dit, mais d’oppression ; et il est facile de concevoir que des hommes peu scrupuleux aient pu profiter de ce que l’étranger, réfugié chez eux, fût à leur merci, pour lui faire payer leur protection bien cher, en l’accablant soit de corvées, soit d’humiliations. De cette oppression, nous avons de nombreux témoignages dans les protestations des prophètes et des législateurs (Jer 7.6 ; 22.3 ; Eze 22.7,29 ; Zacharie 7.10 ; Malachie 3.5 ; Exode 23.9 ; Deutéronome 24.17 ; Le 19.34), et nous voyons que la législation deutéronomique voulait que les différends entre le patron et le client fussent portés devant les juges (Deutéronome 1.16). Le même code veut que le client étudie et respecte la Loi et qu’il soit inclus dans l’alliance que Yahvé traite avec son peuple (Deutéronome 31.12 ; 29.10-13). Après l’exil, la nation ayant de plus en plus une tendance à se transformer en communauté religieuse, il fut bientôt indispensable que le client devint un adorateur de Yahvé (Le 16.29-31 ; 18.26 ; 20.2 ; 22.18 ; 24.16, etc.). Il ne tardera pas à se confondre avec le « prosélyte Â» (voyez ce mot).


Lexique de la Bible - Charles Lelièvre, Pasteur protestant
Édité par La Bible jour après jour, 1951.
2, Cloître Saint-Pierre-Empont — Orléans (Loiret)
Numérisation : Yves PETRAKIAN