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Achab
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet
Westphal Bost

Achab (1)

Roi d’Israël, fils et successeur d’Amri (1 Rois 16.29). Il régna vingt-deux ans (1 Rois 17). depuis l’an du monde 3086, jusqu’en 3107. Il fit le mal devant le Seigneur, et surpassa en impiété tous ceux qui avaient été avant lui. Il épousa Jézabel, fille d’Etbaal, roi des Sidoniens, laquelle introduisit dans Israël les idoles de Baal et d’Astarté, et engagea Achab dans le culte de ces fausses divinités. Dieu, irrité de ses crimes, lui envoya le prophète Élie, qui lui annonça une stérilité (famine) qui devait durer trois ans ; après quoi il se retira, de peur que le roi Achab ou la reine Jézabel ne le fit mourir. La famine ayant duré trois ans, Achab envoya Abdias (Voyez son article), intendant de sa maison, pour chercher quelques pâturages dans le pays, afin que tout le bétail ne pérît pas (1 Rois 18). Comme il allait, il rencontra Élie, qui lui commanda d’aller dire à Achab qu’Élie était là. Achab vint aussitôt, et dit au prophète : N’est-ce pas vous qui troublez tout Israël ? Élie lui répondit : Ce n’est pas moi qui ai troublé Israël ; mais c’est vous-même et la maison de votre père, lorsque vous avez abandonné les commandements du Seigneur et que vous avez suivi Baal. Il lui dit ensuite de faire assembler tout le peuple sur le mont Carmel, avec les prophètes de Baal. Lorsque tout Israël et les faux prophètes furent assemblés, Élie fit descendre le feu du ciel sur son sacrifice, ainsi que nous le verrons sur l’article d’Élie ; après quoi il obtint de Dieu que la pluie tombât et que la terre recouvrât sa première fertilité. Cela arriva l’an du monde 3096, avant Jésus-Christ 904., avant l’ère vulgaire 908.

Six ans après, c’est-à-dire l’an du monde 3103, Benadad, roi de Syrie, vint assièger Samarie (1 Rois 20). Il envoya des ambassadeurs dans la ville à Achab, pour lui dire : Votre argent et votre or sont à moi ; vos femmes et vos enfants les plus chers sont à moi. Le roi d’Israël répondit : Ô roi ! mon Seigneur, je suis à vous, comme vous le dites, et tout ce que j’ai est à vous. Benadad lui envoya de nouveau des ambassadeurs pour lui dire : Vous me donnerez donc votre or, votre argent, vos femmes et vos enfants ; et demain, à cette heure, j’enverrai mes serviteurs vers vous ; ils visiteront votre maison et les maisons de vos serviteurs, et ils prendront tout ce qui leur plaira, et ils l’emporteront. Alors-Achab fit venir les anciens de son peuple, et leur dit : Considérez et voyez qu’il nous tend un piège. Je lui ai accordé tout ce qu’il m’a demandé d’abord, et il ne se contente pas de ce qui est à moi, il veut encore ce qui est à mes sujets. Tous les anciens et tout le peuple lui répondirent : Ne l’écoutez point, et ne vous rendez point à ce qu’il désire. Les ambassadeurs de Benadad, s’en étant retournés, lui rapportèrent la résolution de ceux de Samarie. Alors il fit dire à Achab : Que les dieux me traitent dans toute leur sévérité, si toute la poussière de Samarie suffira pour remplir seulement le creux de la main de tous mes soldats. Achab répondit : Que nul ne se glorifie ni celui qui est armé, ni celui qui est désarmé.

Benadad buvait à l’ombre avec les autres rois qui l’accompagnaient, lorsqu’il reçut cette réponse d’Achab ; et il dit aussitôt à ses gens : Qu’on enferme la ville ; et ils l’enfermèrent. En même temps, un prophète vint trouver Achab, roi d’Israël, et lui dit : Vous avez vu cette multitude innombrable ; je vous déclare que je vous les livrerai aujourd’hui, entre les mains, afin que vous sachiez que c’est moi qui suis le Seigneur. Achab lui demanda : Par qui les livrerez-vous ? Il lui répondit Ce sera par les valets de pied des princes des provinces. Achab ajouta : Qui commencera le combat ? Ce sera vous, dit le prophète. Achab fit donc la revue des princes des provinces, et il en trouva deux cents trente-deux. Il fit ensuite la revue du peuple d’Israël qui était dans Samarie, et il en trouva sept mille. Il firent une sortie sur le-midi. Bentidad était dans sa tente, qui buvait et qui était ivre ; et les trente-deux, rois, qui l’avaient suivi, étaient aussi avec lui. Les valets de pied des princes des provinces d’Israël marchaient à la tête de la petite armée d’Achab. On vint avertir Benadad que les gens d’Achab avaient fait une sortie. Il dit : Soit qu’ils viennent pour parler de paix ou pour combattre, prenez-les tout vifs. Cependant les valets de pied, suivis de la petite armée d’Israël, s’avancèrent, et tuèrent tous ceux qui se trouvèrent devant eux. Alors une terreur panique saisit l’armée de Syrie, et ils commencèrent tous à prendre la fuite. Benadad, lui-même, monta à cheval et s’enfuit avec sa cavalerie. Achab, ayant vu cela, se mit à poursuivre les fuyards, en tua un grand nombre, et fit un fort grand butin.

Alors un prophète du Seigneur vint trouver Achab (1 Rois 20.22-24), pour lui relever le courage et pour lui dire de se tenir sur ses gardes, parce que Benadad devait revenir contre lui l’année suivante. En effet, il revint au bout d’un an (An du monde 3104, Avant Jésus-Christ 896, Avant l’ère vulgaire 900), et se campa à Aphec pour combattre les Israélites. Le roi d’Israël marcha contre lui avec une armée beaucoup inférieure en nombre et en force. Mais un prophète vint de la part de Dieu l’assurer de la victoire. Les deux armées se rangèrent en bataille sept jours de suite. Enfin, le septième jour, le combat s’étant donné, les Israélites tuèrent cent mille hommes de l’armée de Syrie, et le reste se sauva dans Aphec. Mais, comme ils se pressaient pour rentrer dans la ville, la muraille d’Aphec tomba sur eux et en tua encore vingt-sept mille. Benadad ayant eu recours à la clémence d’Achab, ce prince le fit monter dans son chariot, fit alliance avec lui et le laissa aller, sous la condition qu’Achab pourrait faire des places publiques ou des rues dans Damas, comme le père de Benadad en avait eu dans Samarie. [Voyez Benadad].

Cette clémence, exercée si à contre-temps, irrita le Seigneur. Un prophète dit à un de ses compagnons : Frappez-moi ; et, comme il refusait de le frapper, il lui dit : Puisque vous n’avez pas voulu me frapper, aussitôt que vous m’aurez quitté un lion vous tuera. Lorsqu’il fut un peu éloigné de lui, un lion l’attaqua et le tua. Il dit ensuite à un autre homme : Frappez-moi. Cet homme le frappa et le blessa. Le prophète se mit de la poussière sur le visage afin de se rendre méconnaissable ; et étant allé au-devant du roi, il lui cria : Votre serviteur étant dans la bataille, on lui a confié un prisonnier, et on lui dit : Vous répondrez de cet homme-là sur votre vie, ou vous paierez un talent d’argent. Dans l’embarras et le trouble où j’étais, comme je me tournais de côté et d’autre, cet homme a disparu tout à coup. Achab lui répondit : Vous avez vous-même prononcé votre sentence. Aussitôt, essuyant la poussière qui était Sur son visage, il dit au roi : Parce que vous avez laissé échapper de vos mains un homme digne de mort, votre vie répondra pour la sienne ; et votre peuple, pour son peuple. Achab rentra dans Samarie, fort en colère, sans se mettre néanmoins beaucoup en peine de la prédiction du prophète. Cela arriva l’an du monde 3104 ; avant Jésus-Christ, 896 ; avant l’ère vulgaire, 900.

L’année suivante, du monde 3105, Achab, voulant faire un jardin potager auprès de son palais (1 Rois 21), demanda à un bourgeois de Jezrahel, nommé Naboth, qu’il lui vendit sa vigne, parce qu’elle était sa bienséance ; et il lui dit qu’il lui en donnerait une meilleure, ou qu’il la lui payerait ce qu’elle vaudrait. Naboth lui répondit : Dieu me garde de vous donner l’héritage de mes pères. Achab revint donc dans sa maison, tout en colère ; et, se jetant sur son lit, il se tourna du côté de la muraille, et ne mangea point. Jézabel, sa femme, l’étant venue trouver, lui demanda la cause de sa tristesse, et, l’ayant apprise, elle lui dit : Vraiment, pour un roi d’Israël, votre autorité est bien grande, à ce que je vois. Levez-vous, mangez, et ayez l’esprit en repos ; et je me charge de vous livrer la vigne de Naboth de Jezrahel. Aussitôt elle écrivit des lettres au nom d’Achab, qu’elle cacheta du sceau du roi, et les envoya aux anciens de Jezrahel. Ces lettres étaient conçues en ces termes : Publiez un jeûne (Car il s’agit de juger une cause importante), et faites asseoir Naboth de Jezrahel au milieu de vous, et gagnez contre lui deux enfants de Bélial, qui déposent que Naboth a blasphémé contre Dieu et contre le roi ; et qu’après cela on le mène hors de la ville, et qu’il soit lapidé et mis à mort. Ces ordres ne furent que trop exactement exécutés et Achab, ayant appris la mort de Naboth, alla assitôt se mettre en possession de sa vigne.

Comme il retournait de Jezrahel à Samarie, le prophète Élie, par l’ordre de Dieu, alla au-devant de lui et lui dit : Vous avez donc tué Naboth, et vous vous êtes mis en possession de sa vigne ? Or, voici ce que dit le Seigneur : En ce même lieu où les chiens ont léché le sang de Naboth, ils lécheront aussi le vôtre. Achab lui répondit : En quoi m’avez-vous trouvé votre ennemi ? Élie lui dit : En ce que vous êtes vendu pour faire le mal devant le Seigneur. Je vas faire fondre, sur vous et sur votre maison, toutes sortes de maux. Si Achab (Litt. : Celui qui) meurt dans la ville, il sera mangé des chiens ; et s’il meurt dans les champs, il sera mangé des oiseaux du ciel. Et, à l’égard de Jézabel, voici ce que dit le Seigneur : Les chiens mangeront Jézabel dans la campagne de Jezrahel, Achab, ayant entendu ces paroles, déchira ses vêtements, couvrit sa chair d’un cilice, jeûna, dormit sur le sac, et marcha ayant la tête couverte, comme dans le deuil. Alors le Seigneur dit au prophète Élie : Navez-vous pas vu Achab humilié devant moi ? Puis donc qu’il s’est humilié, je ne ferai point tomber sur lui, tandis qu’il vivra, les maux dont je l’ai menacé ; mais, sous le règne de son fils, je les ferai tomber sur sa maison. Toutefois, la pénitence d’Achab n’ayant pas été sincère ni persévérante, Dieu ne laissa pas de le punir dans sa personne ; mais il n’extermina sa maison que sous le règne d’Ochosias, son fils, comme on le verra ailleurs.

Deux ans ans après (An du monde 3107, Avant Jésus-Christ 893, Avant l’ère vugaire 897), Josaphat, roi de Juda, étant venu voir Achab à Samarie (1 Rois 22), lorsque celui-ci était près d’aller attaquer Ramoth de Galaad, que Benadad, roi de Syrie, lui retenait injustement ; le roi d’Israël l’invita de venir avec lui à cette guerre. Josaphat y consentit ; mais il souhaita que l’on consultât sur cela un prophète du Seigneur. Achab assembla donc tous les prophètes de Baal, qui se trouvèrent au nombre d’environ quatre cents ; il n’y en eut pas un qui ne lui dit : Allez, marchez contre Ramoth, et le Seigneur vous livrera la ville entre les mains. Josaphat lui dit : N’y a-t-il pas ici quelque prophète du Seigneur, afin que nous le consultions ? Achab répondit : Il y en a un, mais je ne le puis souffrir, parce qu’il ne me prophétise jamais que du mal. C’est Michée, fils de Jemla. Josaphat répondit : 0 roi ! ne parlez point ainsi. On fit donc appeler Michée. Cependant les deux rois étaient dans la place, près la porte de Samarie, assis chacun sur son trône, avec des habits d’une magnificence royale. Tous les prophètes de Baal étaient autour d’eux contrefaisant les inspirés ; et un d’entre eux, nommé Sédécias, fils de Chanaana, s’étant fait des cornes de fer, dit : Voici ce que dit le Seigneur : Vous battrez et vous disperserez les Syriens, comme je dissipe la poussière avec ces cornes. Tous les autres prophètes, de même, chacun en sa manière, exhortaient les rois à marcher hardiment contre Ramoth de Galaad.

L’officier d’Achab qui était allé quérir Michée, lui dit : Tous les prophètes ne prédisent aux rois que toutes sortes de prospérités. Ainsi, faites en sorte que vos prédictions se rapportent aux leurs. Michée répondit : Vive le Seigneur ; je ne dirai que ce que le Seigneur me mettra dans la bouche. Il se présenta donc devant Achab ; et ce prince lui demanda s’il devait marcher contre Ramoth de Galaad. Allez, dit Michée, marchez hardiment, le Seigneur vous livrera la ville entre les mains. Le roi ajouta : Je vous conjure, au nom du Seigneur de ne me parler que selon la vérité. Alors Michée, prenant un air plus sérieux, lui dit : J’ai vu tout Israël dispersé dans les montagnes comme un troupeau qui n’a point de pasteur ; et le Seigneur a dit : Ils n’ont point de chef ; qu’ils s’en retournent chacun dans sa maison. Aussitôt Achab dit à Josaphat : Ne vous avais-je pas bien dit que cet homme ne me prophétise jamais rien de bon, mais qu’il me prédit touiours du mal. Michée ajouta : Écoutez la parole du Seigneur : J’ai vu le Seigneur assis sur son trône, et toute l’armée du ciel autour de lui, à droite et à gauche ; et le Seigneur a dit : Qui séduira Achab, roi d’Israël, afin qu’il marche contre Ramoth et qu’il y périsse ? Et l’un a dit une chose, et l’autre une autre. Alors le malin esprit s’est présenté, et a dit : Ce sera moi qui séduirai Achab. Le Seigneur lui dit : Et comment ? Il répondit : J’irai, et je serai un esprit de mensonge dans la bouche de tous ses prophètes. Le Seigneur lui dit : Allez, et faites comme vous le dites. C’est ce mauvais esprit qui anime tous ces prophètes qui vous parlent, et qui ne tendent qu’à vous engager dans votre malheur.

En même temps Sédécias, fils de Chanaana, donna un soufflet sur la joue à Michée, et lui dit : L’esprit du Seigneur donc m’a-t-il quitté pour aller à toi ? Michée lui répondit : Tu le verras lorsque tu passeras de chambre en chambre pour te cacher. Alors Achab dit à ses gens : Qu’on prenne Michée, et qu’on le mène chez Amon, gouverneur de la ville, et chez Joas, fils d’Amalech ; et dites-leur de ma part : Renfermez cet homme dans la prison, et qu’on le nourrisse de pain de douleur et d’eau d’affliction jusqu’à ce que je revienne en paix.

Michée lui dit : Si vous revenez en paix, le Seigneur ne m’a point parlé. Peuples, tous tant que vous êtes, soyez-en témoins. Achab et Josaphat marchèrent donc contre Ramoth de Galaad ; et le roi d’Israël dit à Josaphat : Prenez vos armes et vos habits ordinaires, et combattez contre les Syriens. Pour moi, je me déguiserai pour n’être pas reconnu, car il savait que le roi de Syrie avait donné cet ordre aux trente-deux capitaines de ses chariots : Ne vous attachez qu’au seul roi d’Israël, et ne combattez que contre lui. Ces capitaines, ayant donc remarqué le roi Josaphat avec un appareil royal crurent que c’était le roi d’Israël, et ils fondirent tous sur lui avec impétuosité, en sorte que ce prince, se voyant pressé, jeta un grand cri qui le fit reconnaître et qui fut cause que les officiers du roi de Syrie ne le poursuivirent pas davantage.

Mais Dieu permit, pour l’accomplissement, de sa parole, qu’un homme de l’armée des Syriens ayant tiré sa flèche au hasard, elle vint percer le cœur du roi Achab entre le cœur et l’estomac. Il dit aussitôt à son cocher : Tourne bride, et retire-moi du milieu des troupes, parce que je suis fort blessé. Le combat dura tout le jour, et Achab demeura dans son chariot, tournant face contre les Syriens. Cependant le sang coulait de sa plaie sur son chariot, et il mourut sur le soir. Alors un héraut sonna de la trompette dans toute l’armée, et dit : Que chacun s’en retourne dans sa ville et dans son pays. Le roi d’Israël étant donc mort, il fut porté à Samarie, où il fut enseveli ; et on lava son chariot el les rênes de ses chevaux dans la piscine de Samarie : et les chiens léchèrent son sang, ainsi que le Seigneur l’avait prédit. Telle fut la fin d’Achab, l’an du monde 3107, avant Jésus-Christ 893, avant l’ère vulgaire 897. Ochozias, son fils, lui succéda.

L’Histoire sainte est féconde en enseignements sociaux, et cependant ce n’est pas là qu’on va les chercher. Les publicistes n’y trouveraient pas la gloire à laquelle ils prétendent, et au lieu d’ouvrir la Bible, ils aiment mieux se creuser le cerveau ; mais à la fin du jour il ne reste rien de leurs élucubrations du matin. En particulier, les événements des règnes d’Achab et de Josaphat, ai-je dit dans mon Histoire de l’Ancien Testament, sont dignes d’une étude plus sérieuse et plus approfondie que celle dont ils ont été l’objet.

« Le règne d’Achab, a dit depuis un écrivain, est l’un des plus longs et des plus remplis de tous ceux dont la série compose la lamentable histoire des successeurs de Jéroboam. C’est l’époque caractéristique du royaume d’Israël. Tous les éléments de bien et de mal, de force et de dissolution qui reposaient au sein de cet État dissident se révélèrent alors : l’indomptable sentiment de la nationalité et l’invincible penchant à l’idolâtrie, l’énergie militaire et l’atonie morale, l’orgueil du nom juif et la servilité de l’esclave païen ; de grandes victoires au dehors et une effroyable tyrannie au dedans, toute la grandeur d’un beau caractère de peuple et toute l’infirmité d’une nation dont la constitution primordiale est viciée. Achab lui-même, mêle aux plus belles qualités les vices les plus hideux ; il maintient l’indépendance politique de sa nation, et en corrompt la religion par l’importation des cultes étrangers ; il repousse les Syriens et il tue Naboth. Roi par l’usurpation de son père, il laisse deux fils qui sont à leur tour victimes de l’usurpation. »

Ces aprécialions sont justes ; il les faudrait développer. Il serait nécessaire de remonter au règne d’Ela, dans mon Histoire de l’Ancien Testament, et même à l’établissement du royaume d’Iraël. Je vais encore faire la citation suivante que j’emprunte a un livre imprimé récemment : « Amri ou Homri, père d’Achab, pendant les douze ans (Il mourut dans la douzième année de son règne, à compter depuis la mort de Zamri et la sixième depuis que Thebai, qui lui disputait le trône, étant mort, il vint demeurer à Samarie qu’il fit bâtir) qu’il avait gouverné le royaume, avait raffermi le pouvoir ébranlé par la mort d’Ela, et rendu à l’État la paix, la confiance et une sorte de sécurité. Achab prit donc le gouvernement dans une situation prospère.

L’un de ses premiers actes, le plus significatif, fut son mariage avec Jezabel ; une pensée politique avait présidé à cette alliance. En s’unissant aux Phéniciens, Achab avait essayé de former avec eux une ligue défensive contre un ennemi qui les menaçait les uns et les autres, et qui grandissait chaque jour : c’était le royaume syrien de Damas. La Syrie, autrefois soumise par David, avait secoué le joug dans les dernières années de Salomon. Un esclave, Réson, avait été en partie l’auteur de ce mouvement, y avait fondé un empire nouveau qui s’était rapidement étendu et qui donnait alors de vives inquiétudes aux nations voisines. Ben-Hadad, à la tête de mille petits rois (il y en avait 32) qu’il avait faits ses tributaires, s’annonçait comme l’arbitre de toute l’Asie antérieure. Si Achab eût eu plus de foi dans les paroles de Dieu, s’il eût compté davantage sur les promesses faites au peuple juif, s’il n’eût pas été animé d’une jalousie mortelle contre la branche de Juda, ce qu’il eût eu de mieux à faire dans ce pressant danger eût été de prier le Seigneur, d’encourager, son peuple par les cérémonies saintes, par la proclamation solennelle des promesses, par les prédications toutes puissantes des prophètes, par une association intime entre les deux États divisés des Juifs (Asa, prince pieux, régnait alors en Juda, depuis de longues années ; et Achab le considérait sans doute comme un ennemi aussi redoutable que le roi de Syrie), qui, réunis dans une commune foi et de communes espérances, eussent peu craint les attaques de Damas.

Mais cette alliance de Juda et d’Israël fut toujours l’effroi des princes de ce dernier royaume ; toujours ils redoutèrent le retour de leurs sujets à l’unité, et c’est même pour le rendre à jamais impossible qu’ils se hâtèrent de les compromettre en favorisant leur apostasie religieuse, en la consacrant par des fêtes, des solennités populaires, des monuments nationaux. »

Jézabel, bien digne d’ériger en système cette politique funeste, mais qui l’avait été par Jéroboham, eut au moins le triste mérite de le pousser à ses extrêmes conséquences et de l’appliquer avec une tyrannie dont Israël n’avait pas encore eu d’exemple. « À son arrivée, cette étrangère, qui avait amené à sa suite Baal, principale divinité de la théogonie phénicienne, et ses prêtres, accomplit avec pompe ses rites païens. Achab, soit avec conviction, soit avec calcul, accueillit avec empressement ce culte nouveau, fit élever à Baal un temple dans la ville de Samarie, planta un bois en son honneur, et s’entoura de ses prêtres. Cependant il n’oubliait pas ses projets de défense il exerçait ses armées et bâtissait des forteresses. »

Malgré ses prévarications, Dieu, qui l’avait menacé, le protégea cependant contre les Syriens. Il est possible que, tout d’abord, on s’en étonne ; mais il ne faut pas s’imaginer qu’il y a contradiction dans cette conduite de Dieu envers ce prince impie, qu’il menace dans une circonstance et qu’il protége dans une autre. Dieu ne veut pas la mort, mais la conversion du pécheur, et il le rappelle tantôt par des menaces, tantôt par des bienfaits. Achab méprisa tout, et une fois sous les coups de la justice de Dieu, il n’eut aucun reproche à faire à sa bonté.

On peut faire une autre considération : Achab et Ben-Hadad étaient en présence ; le roi d’Israël était bien coupable, sans doute ; mais devant Dieu qui sonde les cœurs, le roi Syrien l’était beaucoup plus. Le récit montre dans Achab une espèce de retour vers le Dieu qui donne la victoire : Que celui qui prend ses armes (qui va combattre), ne se vante pas comme celui qui les quitte (qui a vaincu). Pourquoi ce mot, s’il n’y a au fond une confiance analogue à celle qui faisait dire à Jonathas : « Peut-être le Seigneur combattra-t-il pour nous, car rien ne l’empêche de vaincre avec beaucoup ou peu de monde » (1 Samuel 14.6) ? Et un prophète ne vient-il pas ensuite trouver Achab et lui annoncer la victoire ? Enfin une autre raison se présente, et c’est peut-être la meilleure ; il y avait en Israël un certain nombre de fidèles ; que seraient-ils devenus si Dieu n’eût favorisé les armes d’Achab ? Ils auraient subi le sort que leur réservait le conquérant Syrien : la mort ou l’esclavage avec le danger de perdre leur foi. Dieu voulut les sauver, et c’est à cause d’eux surtout qu’il protégea leur indigne roi.

Ben-Hadad eut honte de sa défaite, dont il ignorait la cause. Ses officiers la lui dirent et lui donnèrent des conseils pour une nouvelle campagne qu’ils voyaient déj à suivie d’un éclatant triomphe (1 Rois 20.23-26). Il revint donc, l’année suivante, avec une armée fort nombreuse et bien organisée. « Les dieux des Israélites, lui avaient dit ses officiers, sont les dieux des montagnes, et c’est pour cela qu’ils nous ont vaincus ; il faut que nous combattions coutre eux en plaine, et nous les vaincrons. » Mais Dieu, comme un prophète l’était venu dire à Achab, prouva qu’il n’était pas moins puissant en plaine que dans les montagnes.

« L’alliance contractée à Aphec avec Ben-Hadad, ne craignons pas d’en convenir, dit M. Coquerel, serait aujourd’hui généreuse ; alors elle était criminelle, et cette contradiction apparente se lève aisément. Ben-Hadad était voué à l’interdit, en d’autres termes, condamné par Dieu même. Incontestablement Achab en était instruit ; sans quoi il se serait justifié de n’avoir pas exécuté la sentence, en assurant qu’il l’ignorait, et l’on a vu qu’il s’irrite, au lieu de s’excuser. La question se réduit donc, en cet exemple comme en mille autres, à savoir si Dieu a le droit de condamner les princes, les armées, les peuples, et si Achab envers Ben-Hadad, comme Saül envers Agag, devait négliger de remplir une sentence divine. Une fausse politique, une fausse magnanimité l’a dirigé ; il a pensé qu’il gagnerait davantage à la vie de Ben-Hadad qu’à sa mort ; la guerre contre Ramoth lui a prouvé le contraire, et si cette explication n’est pas juste, que signifie son entrevue avec le prophète ? Quel intérêt un prophète obscur, qui n’est pas même nommé, avait-il à reprocher au roi sa générosité ? convenons-en : il y a absurdité dans le récit, s’il n’y a pas faute dans Achab. »

Arrêtons-nous un moment à la prophétique sentence prononcée par Élie contre Achab. Ce dernier n’était pas coupable seulement d’avoir usurpé la vigne de Naboth, mais surtout d’avoir consenti au meurtre du citoyen de Jezrael, de s’être, en s’associant à ce crime, rendu complice de sa femme ; faussement accusé de blasphème contre Dieu et le roi, Naboth est condamné à être lapidé ; l’exécution a lieu hors de la ville, et les chiens viennent lécher le sang injustement répandu. Il n’y avait pas de loi qui ordonnât la confiscation, cependant Achab va prendre possession du champ de la victime. Élie arrive et lui dit selon l’hébreu : Tu as donc assassiné (Nahoth) et pris possession (de sa vigne) ! Voici ce que dit le Seigneur ; Au lieu où les chiens ont léché le sang de Naboth, les chiens lécheront aussi ton sang (1 Rois 21.19). L’historien, lorsqu’il fait le récit de la bataille de Ramoth où Achab fut mortellement blessé, dit que son sang coulait dans le fond du chariot (1 Rois 22.35), et qu’étant mort, il fut porté à Samarie où on l’ensevelit. Il ajoute : On lava son chariot (et ses armes ou les rênes de son chariot) dans la piscine de Samarie, et les chiens léchèrent son sang,… selon la parole que le Seigneur avait prononcée (1 Rois 22.38). On a vu une difficulté entre l’oracle et son accomplissement ; d’après le récit, a-t-on dit, c’est dans le champ même de Naboth que les chiens devaient lécher le sang d’Achab. Il est vrai que la version vulgate favorise cette interprétation ; car elle dit : In loco hoc, dans ce lieu, c’est-à-dire dans le champ de Naboth où étaient Élie et Achab, lorsque le prophète signifia au monarque cette sentence divine. Mais le texte original n’a point l’équivalent du pronom hoc. D’ailleurs, les chiens ne léchèrent pas le sang de Naboth dans son champ, mais dans l’endroit où ce sang fut répandu, où se faisaient les exécutions, hors de la ville (1 Rois 21.13). Ainsi cette difficulté n’existe pas dans l’Hébreu. Mais on y en trouve une autre : c’est que les chiens ne léchèrent point le sang d’Achab au lieu où ils avaient léché celui de Naboth, puisque son chariot, au fond duquel il avait coulé, fut lavé dans le bassin de Samarie. Vatable, après quelques autres, traduit l’hébreu par In loto in quo, et l’entend, non en particulier du lieu où Naboth fut assassiné, mais du pays en général ; ponitur locus pro regione, dit-il. Je n’admets pas cette interprétation, que rien ne justifie. Cornélius-à-Lapide, qui l’adopte, ajoute qu’on peut dire aussi, comme l’insinue le vers. 29, que Dieu, en considération de la pénitence d’Achab (vers. 27) avait révoqué sa sentence contre ce prince ; mais ce savant commentateur n’a pas fait attention que le verset 29 ne se rapporte qu’aux versets 21 et 22, lesquels énoncent des menaces terribles qui devaient s’accomplir durant la vie d’Achab, mais qui, parce qu’il fit pénitence, n’eurent leur effet, qu’après sa mort, de même que l’oracle qui concernait personnellement Jésabel (vers. 23). Au reste, le verset 38 du chapitre 22 (1 Rois 22.38) prouve évidemment que Dieu ne révoqua pas son arrêt contre Achab. Grotius donne une interprétation qui me semble juste ; sur le texte In Loco Hoc, il dit : Metius, Loco ejus quod linxerunt canes sanguiem nabotes, id est,

Propterea quod. Causa enim judicii indicatur, non locus (1). Si cette interprétation, accompagnée d’une raison solide, n’est pas très-décisive, elle est, certainement satisfaisante, et dès lors la première partie de la difficulté n’existe plus. J’ai dit la première partie ; car si le sang d’Achab coula au fond de son chariot, et si son chariot fut lavé dans le réservoir de Samarie, les chiens ne l’ont donc pas léché. Valable dit que les chiens lapaient ce sang, qui était mêlé avec l’eau, lorsqu’ils étanchaient leur soif à ce bassin. Je suis tenté de dire qu’une telle explication de la part d’un tel homme est une puérilité. En Palestine, comme en Égypte et généralement dans l’Orient, autrefois comme aujourd’hui, il y avait un grand nombre de chiens, qui n’ayant point de maîtres, rôdaient dans les rues et les places pour y chercher leur pâture, et qui, trop pressés par la faim, attaquaient même des hommes qu’ils rencontraient (Psaumes 22.8 ; 59.7-15, 16 ; Jérémie 15.5). Il y a lieu de croire que des chiens, attirés par l’odeur du sang, suivaient le chariot d’Achab : qu’il en tombait du sang par quelque ouverture, et que les chiens le mangeaient avec la terre ; enfin, qu’arrivés à la piscine de Samarie, excités et enhardis, ils envahirent le chariot, et léchèrent à leur aise le sang du tyran : Le texte est court, et la curiosité regrette qu’il ne donne pas des détails insignifiants. Il dit : Les chiens lécheront le sang d’Achab, voilà l’oracle ; et : Les chiens ont léché le sang d’Achab, voilà l’accomplissement de l’oracle. Qu’importe le reste ?

Achab (2)

Fils de Cholias, est l’un des deux faux prophètes qui séduisaient les Israélites à Babylone (Jérémie 29.21-23). Le Seigneur les menace, par Jérémie, de les livrer à Nabuchodonosor, roi de Babylone, qui les fera mourir aux yeux de ceux qu’ils ont séduits. Et tous ceux de Juda qui seront à Babylone, se serviront de leur nom lorsqu’ils voudront maudire quelqu’un, en disant : Que le Seigneur vous traite comme il traita Achab et Sédécias, que le roi de Babylone fit frire dans une poêle ardente. Les rabbins, suivis de plusieurs interprètes, croient que ce sont les mêmes anciens de Juda qui essayérent de corrompre la chaste Suzanne, et qui, l’ayant accusée injustement, la firent condamner à mort. Mais Daniel, suscité de Dieu, découvrit au peuple leur méchanceté et les fit lapider. Cette dernière circonstance, qui est marquée expressément dans Daniel (Bel et le dragon), détruit l’opinion des rabbins, qui confondent ces deux vieillards avec Achab et Sédécias. Ceux-ci furent brûlés dans une poêle ardente, et les autres furent lapidés.