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Thadée
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet

Thadée (1)

C’est le surnom de saint Jude, l’apôtre, dont nous avons parlé sous le nom de Judas ou Jude. On lui donne assez volontiers le nom de Thadée simplement, pour éviter le nom de Judas, et de peur qu’on ne le confonde avec Judas d’Iscarioth, qui est justement en horreur, à cause de sa trahison. On a attribué quelquefois à saint Thadée l’apôtre ce qui ne convient qu’à saint Thadée le disciple de Jésus-Christ, dont nous allons parler.

Thadée (2)

Ou Tattée, ainsi que l’appelle Rufin, était, à ce qu’on croit, frère de saint Thomas, apôtre, et l’un des septante disciples. Peu de temps après que Jésus-Christ fut monté au ciel, saint Thomas l’envoya de Jérusalem à Edesse, vers le roi Abgare, qui y régnait alors, et dont nous avons parlé sous son titre. Jésus-Christ avait, dit-on, écrit à ce prince qu’il lui enverrait un de ses disciples pour le guérir d’une maladie dont il était travaillé. Thadée, étant arrivé à Edesse, se logea d’abord chez un nommé Tobie, où il commença bientôt à éclater par un grand nombre de miracles qu’il faisait au nom de Jésus-Christ.

Abgare, en ayant été informé, jugea que c’était celui que le Sauveur lui avait promis, et se le fit amener par Tobie. Abgare se jeta à ses pieds, et lui demanda si c’était lui qui le devait guérir. Thadée lui répondit que oui, et qu’il était venu pour récompenser sa foi ; ensuite, lui ayant demandé s’il croyait eu Jésus-Christ et en son Père, Abgare lui répondit qu’il y croyait de tout son cœur ; et au même instant Thadée lui imposa les mains et le guérit parfaitement. Il fit encore beaucoup d’autres miracles, et convertit toute la ville d’Edesse. Abgare lui offrit une grande quantité d’or ; mais il s’excusa d’en rien prendre, disant : Si nous avons abandonné notre bien, comment prendrions nous le bien des autres ? On ignore ce que fit saint Thadée depuis ce temps-là. [Voyez Abgare, Caldée, Edesse, Évangile]. Son culte n’est pas même bien célèbre dans l’Église, parce qu’on l’a ordinairement confondu avec saint Jude. Les Latins honorent, le 11 mai, un saint Thadée, qu’ils semblent faire martyr en Asie ; et les Grecs célèbrent sa mémoire le 21 d’août. Ils disent qu’il est mort en paix à Béryte en Phénicie, après y avoir baptisé beaucoup de personnes [Eusèbe dit que Thadée guérit Ahgare en l’année 340. « Cette année 340, dit M. de Fortia d’Urban, se rapporte vraisemblablement à l’ère des Séleucides des Grecs, par laquelle on compte la chronique d’Edesse, d’où Eusèbe dit que cette histoire est tirée. Cette chronique a été publiée par M. Assemani (Biblioth orient., tome 1). Or cette ère commence l’an 312 avant notre ère (Art de vérif les dates, tome 1, pages 46, édition in-81 ; donc l’an 1 avant notre ère correspond à l’an 312 de l’ère des Séleucides, et l’an 1 de notre ère à l’an 313. Ainsi l’an 340 correspond à l’an 29 de notre ère. C’est sans doute l’époque à laquelle le roi Abgare écrivit à Jésus, qui avait reçu le baptême de Jean le 6 janvier de cette année. C’était celle à laquelle ses prédications et ses miracles commencèrent, en sorte qu’il n’est pas étonnant que le bruit en soit venu à Edesse.

Jésus mourut le 3 avril de l’an 33. Ce fut cette année que Thadée fit le voyage d’Edesse ; Rufin l’appelle Tattée…

Edesse était une ville de Mésopotamie, située sur la rive gauche de l’Euphrate, mais non sur les bords du fleuve même. Si l’on en croit Isidore, elle avait été fondée par Nemrod. Eusèbe dit qu’elle avait été rebâtie par Séleucus, roi de Syrie. Pline assure qu’elle se nommait autrefois Antioche, et qu’elle fut aussi appelée Callirhoé, à cause d’une fontaine qui y coulait. Elle devint la capitale de l’Osrhoène. Ce n’était qu’une toparchie dont les seigneurs prenaient la qualité de rois, dit Sabbathier (Dict pour des auteurs classiques, tome 15. art. Edesse).

Les anciens noms d’Edesse sont Arach, Rhoa, Orrhoa et Orpha. Voyez la Chronique de cette ville, composée en langue syriaque l’an 540, et publiée par Assemani, dans la Bibliotheca orientalis, anno 1719, tome 1 p 387. C’est Arach, selon dom Calmet, qui avait été bâtie par Nemrod ; cet auteur ne les confond nullement : Arach, suivant lui, était une ville de Chaldée, située sur le Tigre, au-dessous de sa jonction avec l’Euphrate. [Voyez Arach]. Le docte Michaëlis, dans son Spicilegium geographioe Hebroeorum exteroe post Bochartum (pars prima, pages 210-226), prouve qu’Arach de la Vulgate, nommée comme une des villes de Nemrod, est Edesse…

Le voyageur Niebuhr a vu Edesse ; il croit que c’est la ville d’Orfa, dont il a donné le plan.

Comme je l’ai dit, Edesse est une ville de Mésopotamie, bâtie sur les bords d’un fleuve que l’on voit encore dans les médailles. On a cru que ce fleuve était l’Euphrate, mais Edesse en est éloignée d’une journée de chemin et cette rivière est le Scytus, dont les débordements sont fréquents et dangereux. En effet une partie des églises fut abattue, et un grand nombre des habitants furent submergés sous l’empire de Justin, qui la rétablit dans le vie siècle, et qui lui donna le nom de Justinopolis ; elle a changé depuis. Basnage dit que de Son temps elle s’appelait Oursa ; mais je lui laisserai celui d’Edesse, qui est plus connu. Cette ville avait son roi depuis que les Arabes, profitant de la division élevée entre les Séleucides pour la succession d’Antiochus, leur père, s’en emparèrent et y créèrent un nouveau royaume, dont les princes portaient ordinairement le nom d’Abgar. Le premier s’appelait ainsi ; À bgarll, qui lui succéda, se rendit maître de toute la province d’Osroène. Ayant fait alliance avec Pompée contre Tigrane le Grand, roi d’Arménie, il fournit à son armée tous les vivres dont elle avait besoin, l’an 64 avant notre ère. Dans les guerres des Romains contre les Parthes, une correspondance secrète fut la principale cause de la défaite des Romains à Carrhes, l’an 53 avant notre ère. C’est Abgar III petit-fils du précédent, qu’Eusèbe a rendu célèbre dans l’Histoire ecclésiastique par les deux lettres que j’ai rapportées. Casaubon, Grelser, Tillemont, Basnage, du Pin et le père Alexandre en ont discuté l’authenticité. On a d’abord observé que les deux lettres auraient dû être écrites en grec, et non en syriaque, mais à tort ; car, quoiqu’on parlât grec à Césarée, et même dans toute la Mésopotamie, cependant le commerce que l’on était obligé d’avoir avec le peuple et les Juifs naturels du pays faisait qu’on ne pouvait pas ignorer une langue qui retentissait toujours aux oreilles, et que tant de gens parlaient. C’est pourquoi la traduction qu’Eusèbe en fit faire en sa présence devait être conforme à l’original, et personne ne peut douter de l’exactitude et de la fidélité d’Eusèbe, qui avait recueilli avec tant de soin tous les anciens monuments de l’Église chrétienne. Il n’y a rien que l’on ne puisse révoquer en doute, si l’on se donne la liberté, sur de frivoles conjectures, de s’inscrire en faux contre une pièce compulsée sur des archives et des registres publics, publiés par un grand évêque très-éclairé, et qui jouissait d’un grand crédit à la cour de l’empereur Constantin. Cependant le pape Gélase, l’an 494, dans un concile qu’il tint à Rome, distinguant les livres authentiques des apocryphes, rangea parmi ces derniers la lettre de Jésus-Christ et celle d’Abgar à Jésus-Christ, quoiqu’il permette la lecture de l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe où elles se trouvaient. Mais on sait que ce jugement du pape Gélase n’est pas sans appel ; la variété des anciens exemplaires peut même faire douter qu’il ne s’y soit glissé quelques noms d’auteurs que le concile n’avait pas condamnés : c’est ce qu’observe le savant Baluze, cité par l’abbé Fleury. »