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Talmud
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet
Westphal

Ou Thalmud (Talmud dérive de enseigner. Ainsi Talmud peut se traduire par Doctrinale). Le Talmud comprend le corps de la doctrine, de la religion et de la morale des Juifs. Ils ont deux ouvrages qui portent ce nom. Le premier s’appelle Talmud de Jérusalem, et l’autre, Talmud de Babylone. Le premier a été compilé par le rabbin Johanan, qui avait présidé à l’académie de Palestine pendant quatre vingts ans, et qui l’acheva, dit-on, l’an 230 après la ruine du temple, c’est-à-dire, vers l’an 300 de l’ère vulgaire, en faveur des Juifs qui demeuraient en Judée. Ce Talmud est plus abrégé et plus obscur que celui de Babylone ; mais il est plus ancien.

Il est composé de deux parties ; savoir : la Misne et la Gemare. La Misne est l’ouvrage du rabbin Juda, surnommé le Saint, qui la compila vers l’an 120 après la ruine du temple de Jérusalem par les Romains, et l’an 190 de l’ère vulgaire. La Misne signifie la seconde loi. C’est un recueil de toutes les traditions des docteurs Juifs, que Juda ramassa en un seul corps, de peur que par la dispersion des Israélites et la ruine de leurs écoles, elles ne vinssent à se perdre et à s’oublier dans sa nation. Environ cent ans après, le rabbin Johanan composa la Gémare, c’est-à-dire, le complément ou la perfection, pour ajouter à la Misne du rabbin Juda le Saint. Et ces deux ouvrages forment le corps du Thalmud de Jérusalem, dont nous parlons ici.

Le Talmud de Babylone est composé de la Misne de Juda le Saint, dont nous avons parlé, et de la Gémare composée par le rabbin Asé, qui vivait à Babylone environ cent ans après le rabbin Johanan. Ce recueil est appelé Talmud de Babylone, parce qu’il a été compilé à Babylone, et qu’il était prince cipalement à l’usage des Juifs de delà l’Euphrate. Les Juifs se servent plus volontiers de celui-ci que de celui de Jérusalem, parce qu’il est plus étendu et plus clair. Il est rempli d’une infinité de fables et de contes ridicules, dont pourtant il ne leur est pas permis de douter, à moins de vouloir passer pour hérétiques. Ils préfèrent l’autorité du Talmud à celle de l’Écriture. Ils comparent la Bible à l’eau, la Misne au vin, et la Gémarc à l’hypocras. Ils croient que les traditions et les explications contenues dans ce livre sont venues de Dieu même ; que Moïse les a révélées à Aaron, à ses fils et aux anciens d’Israël ; que ceux-ci les ont communiquées aux prophètes, les prophètes aux membres de la grande synagogue, et ceux-là de main en main aux docteurs qui ont rédigé la Misne et la Gémare. La Misne est écrite en hébreu, d’un style serré et obscur, et la Gémare est écrite d’un style mêlé d’hébreu, de chaldéen et de divers termes des autres langues.

Comme le rabbin Asé fut prévenu de l’a mort avant que d’avoir achevé son ouvrage, ses enfants ou ses disciples, qui le continuèrent, ne l’achevèrent qu’assez tard ; c’est-à-dire, suivant Serrarius, Bartolocci, Triglande et plusieurs autres, vers l’an de Jésus-Christ 500 ou 505. Le P. Morin soutient même que la Misne n’a pu être coinpasée avant l’an 500, et que le Talmud de Babylone n’a été achevé que vers l’an 700 ou environ ; et à l’égard du Talmud de Jérusalem, il ne croit pas qu’il soit antérieur au cinquième siècle. Et certes, si la Misne elle-même n’est que de l’an 500 ou environ, le Talmud de Jérusalem doit être encore plus récent. On peut consulter sur ces matières la Bibliothèque rabbinique de Bartolocci, les Exercitations bibliques du P. Morin et la Continuation de l’Histoire des Juifs par Josèphe, t. 6.1.9 c. III et IV édition Paris.

Le Talmud de Jérusalem et la Misne sont, après les paraphrases chaldaïques d’Onkélos et de Jonathan, ce que les Juifs ont de plus ancien en fait de livres de doctrine, à l’exception des givres sacrés. Lightfoot en a tiré beaucoup de lumières pour expliquer quantité de passages du Nouveau Testament, en comparant les expressions de la Misne à celles des évangélistes et des apôtres. Maimonides a fait un extrait ou un abrégé du Talmud de Babylone, qui, au jugement des plus savants, vaut mieux que le Talmud même, parce que,écartant ce qu’il y a de fabuleux, de puéril, d’inutile dans le Talmud, il s’est appliqué à recueillir uniquement les décisions des cas dont ce gros ouvrage est rempli. Il a donné à cet ouvrage le titre de Jad-Hachazacah, ou main forte ; c’est un digeste des lois des Juifs des plus complets qui se soient jamais faits, non par rapport au fond, mais pour la clarté du style, la méthode et la belle ordonnance de ses matières.

Les Talmudistes, c’est-à-dire ceux qui enseignent les traditions des Juifs contenues dans le Talmud, ont eu parmi eux différents noms, selon les temps. Depuis la grande synagogue jusqu’à la Misne, on les nommait Thannalm, comme qui dirait traditionnaires, dérivé du nom Tanach, qui en chaldéen si-unifie donner par tradition ; depuis la Mis ne jusqu’au Talmud, on les nomma Arnorains, prononçants, disants, dictants, parce qu’ils expliquaient et dictaient à leurs élèves les explications dont la Gémare est composée. Après le Talmud, ils sont nommés Suburaim, c’est-à-dire opinants. Ensuite on leur donna le nom de Géonim, excellents, sublimes. Aujourd’hui ces noms fastueux sont supprimés parmi eux ; ils se contentent du nom de Rabi ou de Chachan : le premier signifie maure, et le second sage.

Vers l’an 1236, un juif de la Rochelle, s’étant converti et ayant reçu le nom de Thomas au baptême, alla trouver le pape Grégoire IX la douzième année de son pontificat, c’est-à-dire en 1238, et lui découvrit les erreurs du Talmud ; le pape les envoya en 35 articles aux archevêques de France en 1239, avec une lettre par laquelle il leur ordonnait de se saisir de tous les livres des Juifs et de faire brûler ceux où il y aurait des erreurs. Il en écrivit autant aux rois de France, d’Angleterre, d’Aragon, de Castille, de Léon, de Navarre et de Portugal. En conséquence de cet ordre on brûla en France la valeur de vingt charrettes de livres hébreux.

Innocent IV successeurde Grégoire, donna commission à Eudes de Châteauroux, son légat, d’examiner le Talmud et les autres livres des Juifs ; et après les avoir examinés soigneusement, il les toléra en ce qui ne serait pas contraire à la religion chrétienne, et les leur rendit. Le légat écrivit au pape que les tolérer serait les approuver ; c’est pourquoi le quinzième jour de mai 1248, il les condamna juridiquement.

Les deux Talmuds sont imprimés, celui de Jérusalem en un bon volume in-folioo, celui de Babylone en 12 vol in-folio, à Amsterdam et encore ailleurs.