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Royaume
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet

Royaume des cieux

Expression assez commune dans le Nouveau Testament, pour signifier le royaume de Jésus-Christ, la vocation des peuples à la foi, la prédication de l’Évangile. Les anciens prophètes, lorsqu’ils décrivaient les caractères du Messie, ne manquaient guère d’y mettre le nom de roi et de libérateur ; et lors même qu’ils parlaient de ses humiliations et de ses souffrances, ils y mêlaient des traits qui marquaient sa puissance, son règne, sa divinité. Par exemple, quand Zacharie (Zacharie 9.9) prédit l’entrée de Jésus-Christ à Jérusalem : Voici, dit-il, votre Roi qui vient à vous, Juste et Sauveur ; il est pauvre, et monté sur une ânesse, et sur un âne fils d’une ânesse. Les Juifs et les apôtres, accoutumés à ces manières de parler des prophètes, attendaient le règne du Messie comme d’un roi temporel qui devait exercer sa puissance sur ses ennemis, faire de grandes conquêtes, rétablir la monarchie des Juifs et relever le trône de David dans toute sa splendeur, assujettir les nations à son empire, et récompenser ses amis et ses fidèles serviteurs à proportion de leur fidélité et de leurs services. D’où vient que si souvent les apôtres ont eu des contestations sur la préséance dans ce royaume (Matthieu 18.11 Marc 9.13-34), et que les enfants de Zébédée font demander à Jésus-Christ par leur mère les deux premières places dans ce royaume (Matthieu 20.21) ; et Jésus-Christ, pour leur prouver qu’il était le vrai Messie, leur annonçait souvent que le royaume des cieux était arrivé, ou qu’il était proche ; et lorsqu’il parlait de ce qui devait arriver dans son Église, après sa résurrection, il disait de même que telle chose se verrait dans le royaume des cieux. Enfin il commençait assez souvent ses paraboles par ces mots : Le royaume des cieux est semblable à un homme riche, à un père de famille, à un trésor.

Ainsi l’on peut remarquer dans l’Évangile plusieurs acceptions de ces termes, le royaume des cieux.

1° Ils se prennent pour le premier avénement du Fils de Dieu pour sa naissance temporelle, pour sa prédication, pour sa manifestation au monde. Par exemple (Luc 11.19) : Si c’est par le doigt de Dieu que je chasse les démons, certainement le royaume de Dieu est arrivé jusqu’à vous. Ailleurs saint Matthieu (Matthieu 9.31) dit que Jésus-Christ parcourait les villes et les bourgades, annonçant la bonne nouvelle de la venue du royaume de Dieu. Et saint Luc (Luc 17.21) : Le royaume de Dieu est au milieu de vous. Ce qui est parallèle à ce que dit saint Jean (Jean 9.2) : Vous avez au milieu de vous celui que vous ne connaissez pas.

2° Ces termes sont mis pour marquer la vengeance que Dieu devait exercer contre les Juifs incrédules, et qu’il exerça en effet quelques années après la mort du Sauveur, contre Jérusalem, par les armes des Romains qui ruinèrent cette ville et son temple, et qui y commirent des cruautés, qui ont fait regarder ce dernier siège comme une des plus vives images du jugement dernier. C’est dans ce sens que le royaume des cieux se prend dans saint Matthieu (Matthieu 3.2) : Faites pénitence, car le royaume des cieux est proche. Dieu est près d’appesantir son bras sur les méchants ; il a déjà la cognée à la main pour abattre les mauvais arbres. Voyez aussi la parabole des dix vierges (Matthieu 25.1-3), et celle des serviteurs à qui le père de famille a donné des talents pour les taire profiter (Matthieu 25.23-24). Les vierges folles exclues de la noce, et le serviteur inutile jeté dans le cachot, marquent les Juifs incrédules abandonnés de Dieu et livrés à la vengeance de leurs ennemis.

3° Le royaume des cieux marque la béatitude éternelle, la récompense des fidèles serviteurs de Dieu : Celui qui fait la volonté du Père céleste, entrera dans le royaume des cieux (Matthieu 7.21). Et ailleurs (Matthieu 19.14) : Laissez venir à moi les petits enfants ; car à eux appartient le royaume des cieux. Et encore (Matthieu 5.3) : Bienheureux les pauvres d’esprit, car le royaume des cieux est à eux.

4° Cette expression s’emploie pour désigner la vocation des gentils, à l’exclusion des Juifs. Par exemple, Jésus-Christ, après avoir parlé de la foi du centenier et de la réprobation des Juifs, en disant (Matthieu 8.12) : Les enfants du royaume seront clïassés dehors. C’est au même sens que se rapportent les paraboles du festin où les étrangers sont appelés, au refus des amis que le père de famille y avait invités (Matthieu 22.2) ; et celle des fermiers de la vigne, qui chassent les domestiques du maître, et mettent à mort son propre fils (Marc 12.8).

5° Enfin le royaume des cieux marque le plus souvent l’Église de Jésus-Christ, la prédication de l’Évangile, la manière dont Dieu se conduit envers les élus pour les conduire à la foi, et ensuite à la béatitude. C’est dans oc sens que Jésus-Christ dit que le royaume des cieux est semblable à un trésor caché qu’un homme découvre et qu’il achète au prix de tout son, bien (Matthieu 13.44), et à une pierre précieuse pour laquelle un marchand donne tout son bien (Matthieu 12.45). Ce trésor, cette pierre précieuse, ne sont autre chose que la foi en Jé sus-Christ. Ailleurs il compare le royaume des cieux à un champ où l’on trouve de l’ivraie mêlée avec le bon grain (Matthieu 13.3-4,18), à un filet où l’on amasse de bons et de méchants poissons (Matthieu 8.47-48) : ce qui marque l’Église, qui est toujours mêlée de bons et de mauvais chrétiens en ce monde. Il dit souvent que son règne commencera après sa résurrection, c’est-à-dire que ce sera principalement alors que l’Évangile sera prêché, et qu’il appellera ses élus à la foi.

Le royaume de Dieu

Est souvent synonyme au royaume des cieux. Mais, dans l’Ancien Testament, le royaume, ou le règne de Dieu, marque sa puissance infinie, l’autorité souveraine qu’il exerce sur toutes les créatures, sur les royaumes du monde, sur, les cœurs des hommes. L’auteur du livre de la Sagesse (Sagesse 10.10) dit que Dieu fit voir son royaume à Jacob, qui fuyait la colère d’Ésaü. Il lui Ouvrit les cieux en lui montrant l’échelle mystérieuse par où les anges montaient et descendaient. Et l’Ecclésiastique (Ecclésiaste 47.13) dit que Dieu donna à David, l’alliance, l’assurance, la promesse du royaume pour lui et pour ses successeurs. Il est dit aussi que Dieu n’abandonna pas Joseph, et qu’il lui procura (Sagesse 10.14), le sceptre dans l’Égypte ; non qu’il y ait régné en effet, mais qu’il y eut une autorité presque égale à celle du roi. Voyez Genèse (Genèse 41.10). Nabuchodonosor jure par son trône et par son royaume qu’il se défendra et qu’il se vengera (Judith 1.12).

Le royaume de L’enfer

Le royaume de Satan, marque ou l’empire que le démon exerce sur les autres démons ou celui qu’il exerce sur les méchants en cette vie, ou enfin celui qu’il a sur les âmes des méchants qui sont dans l’enfer. L’auteur du livre de la Sagesse dit que le règne de l’enfer n’était pas sur la terre avant le péché du premier homme. Ou, selon le Grec, et que Pluton n’avait pas alors son palais royal sur la terre ; il n’exerçait pas son empire sur les hommes. Et le Sauveur, dans l’Évangile (Matthieu 12.25) : Tout royaume divisé contre lui-même sera ruiné. Que si Satan chasse Satan, il est divisé contre lui-même. Comment donc son royaume subsistera-t-il ? Il répond à l’accusation des pharisiens, qui disaient qu’il ne chassait les démons qu’au nom de Béelzébub, prince des démons. Il montre que cela ne se peut, parce qu’il faudrait dire que Satan travaille à la ruine de son empire, et que le royaume d’enfer est en discussion avec ses sujets.

Le Psalmiste nous représente les méchants dans l’enfer comme un troupeau de brebis dont la mort est le pasteur et le roi (Psaumes 48.15). Les prophètes nous représentent l’enfer comme une-république où les rois, les puissants de la terre conservent encore quelque vaine apparence de leur première grandeur. Voyez (Isaïe 14.9-10 ; Ézéchiel 31.15-16, 17, 32.20-21).

Dans le livre de Job (Job 1.6), et dans le troisième des Rois (2 Rois 22.20-21) on nous représente Satan qui paraît devant le tribunal de Dieu, et qui reçoit les ordres de sa majesté pour affliger ou pour tromper les hommes. Ainsi les Hébreux ne lui croyaient pas un pouvoir absolu, ni un royaume indépendant, même pour faire le mal : ils reconnaissaient qu’il était le simple exécuteur des ordres de Dieu, et le ministre de sa justice, ou de sa vengeance, ou de ses épreuves envers les hommes.