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Mesopotamie
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet
Westphal Bost

Province célèbre, située entre l’Euphrate et le Tigre. Les Hébreux l’appellent Aram Naharaïm ou Aram des deux fleuves, parce que Aram, père des Syriens (Genèse 28.5), la peupla, et qu’elle est, comme nous l’avons dit, entre deux grands fleuves. Ce pays est fort fameux dans l’Écriture, pour avoir été la première demeure des hommes avant et après le déluge, et pour avoir donné naissance à Phaleg, à Héber, à Tharé, à Abraham, à Nachor, à Sara, à Rébecca, à Rachel, à Lia, et aux fils de Jacob. Babylone était dans l’ancienne Mésopotamie, avant que l’on eût à force de travail, réuni les deux fleuves du Tigre et de l’Euphrate dans un seul lit. Les campagnes de Sennaar étaient dans le même pays. Souvent on lui donne le nom de Mesopotamia Syrioe (Genèse 28.5 ; 46.15 Deutéronome 23.4 Psaumes 59.1), parce qu’elle était occupée par les Araméens ou Syriens ; quelquefois celui de Padan Aram (Genèse 28.7 ; 31.18 ; 33.18 ; 35.9), les plaines d’Aram, ou Sédé Aram (Osée 12.13), les campagnes d’Aram, pour les distinguer des montagnes stériles et incultes du même pays. Balaam, fils de Béor, était de la Mésopotamie (Deutéronome 23.4). Chusan Rasathaïm, roi de Mésopotamie, assujettit les Hébreux quelque temps après la mort de Josué (Juges 3.8).

Outre le Pays nommé communément Mésopotamie en grec et en hébreu, Arum Naharaïm, Syrie des deux fleuves ; quelques-uns en reconnaissent une seconde, qui était dans la Syrie entre les fleuves Marsya et l’Oronte. Voici sur quoi on fonde ce sentiment. Premièrement le terme de Mésopotamie signifie simplement un pays situé entre deux fleuves ; ainsi on peut donner ce même nom à tout pays qui se trouve dans cette situation, quels que soient les fleuves qui l’environnent. 2° Le titre du psaume 59 porte que David brûla la Mésopotamie de Syrie, et la Syrie de Sobal. Or, on sait que David ne fit la guerre au roi de Soba que pour étendre ses conquêtes jusqu’à l’Euphrate, et que la Syrie de Soba était au deçà de ce fleuve. 3° Le livre de Judith (Judith 2.14) dit qu’Holopherne passa l’Euphrate, et vint en Mésopotamie, et força toutes les grandes villes qui étaient là. Il est certain que ce général venait d’Assyrie. La Mésopotamie proprement dite obéissait au roi Nabuchodonosor, son maître : il passa donc l’Euphrate pour venir dans la Mésopotamie de Syrie dont nous parlons, fort différente de celle qui est connue des Grecs et des Latins entre l’Euphrate et le Tigre.

Pour prendre son parti dans cette difficulté, il faut voir si ces objections sont telles, qu’elles nous obligent nécessairement à abandonner le sentiment général des géographes, qui jusqu’ici n’ont reconnu qu’une seule province, nommée Mésopotamie en grec et en latin, et Aram-Naharaim en hébreu. Car, si l’on peut expliquer d’une manière probable les textes qu’on objecte, sans recourir à une seconde Mésopotamie, il est clair qu’on ne le doit pas faire. Or le titre du psaume 59 est d’une très-petite autorité, puisque la plupart des titres des psaumes ont été mis au hasard, et longtemps après les auteurs qui les ont composés. De plus on peut l’expliquer en disant que David battit la Mésopotamie de Syrie ; c’est-à-dire qu’il vainquit les troupes auxiliaires qui étaient venues de la Mésopotamie de delà l’Euphrate, au secours d’Adarézer et des Ammonites, comme il est dit clairement dans le second livre des Rois, chapitre 10. : Misit Adarezer, et ecluxit Syros qui erant trans fluvium, et adduxit eorum exercitum Videntes autem universi reges qui erant in prœsidio Adarezer, se victos esse ab Israël, expaverunt et fugerant.

Quant au passage de Judith, on peut dire qu’Holopherne passa deux fois l’Euphrate par lui-même en personne, ou en la personne de ses capitaines : la première fois, lorsqu’il vint dans la Syrie et deus la Cilicie, et qu’il assujettit ces provinces ; et la seconde, lorsqu’il les eut conquises et qu’il repassa l’Euphrate pour reduire quelques peuples qui ne voulaient pas encore se soumettre à Nabuchodonosor, son maître. Nous ne prétendons pas qu’il ait parcouru en personne tous les pays qui sont marqués dans Judith ; il suffit que tout cela se soit fait par ses ordres et par ses lieutenants. Rien ne nous oblige donc à reconnaître dans les deux textes qu’on nous objecte, une autre Mésopotamie que celle qui est connue par tous les géographes [Il ne sera pas inutile d’ajouter à cet article celui dont Barbié du Bocage est l’auteur :

« Mésopotamie, contrée de l’Asie, séparée de l’Arménie par le mont Masius, partie de la chaîne du Taurus qui la couvre au N. de la Syrie, à l’O., et de l’Assyrie, à l’E., par les deux fleuves de l’Euphrate et du Tigre, qui en forment, pour ainsi dire, l’encadrement même au S. Le nom de Mésopotamie est grec et de formation assez récente parmi les Grecss eux-mêmes ; il signifie pays situé entre les fleuves. Les habitants du pays l’appelaient Aram-Naharaïm, c’est-à-dire, Syrie des Rivières, dénomination équivalente. La plupart des passages de l’Écriture qui font mention de ce pays ajoutent au nom de Mésopotamie ces mots : de Syrie ou qui est en Syrie ; et en effet on comprenait, dans ces temps reculés, ce pays au nombre de ceux de la Syrie ; d’ailleurs le langage des peuples était le même. Sous la domination persane, le mot de Mésopotamie n’était point encore en usage, car Xénophon appelle ce pays Arabie ; non plus qu’Hérodote, il ne connaît le nom de Mésopotamie : d’immenses steppes, semblables à celle de l’Arabie, et, plus que cela, le nombre des hordes arabes qui les parcourent, ont contribué à établir cette conformité de dénomination qui existait déjà, à quelques égards, dans la nature et l’aspect du pays. On désignait quelquefois aussi la Mésopotamie sous le nom d’Assyrie, mais c’était lorsqu’on y réunissait la Babylonie ; enfin les modernes la nomment Djezira, d’un mot arabe qui signifie Île, terme répondant à la position isolée de la contrée entre les fleuves et les montagnes. Malgré la présence de ses steppes, le sol de la Mésopotamie, généralement plus uni que montueux, offre de la variété. Si dans certaines parties on n’y voit d’habitants que quelques hordes nomades sorties de l’Arabie ou descendant des montagnes, dans d’autres, et surtout au bord de l’Euphrate et au pied même des montagnes, le pays est plus fertile et mieux cultivé. Aussi était-ce là que se trouvaient les villes les plus considérables, telles qu’Edesse, Circesium, la Carchemis de l’Écriture et autres situées dans le voisinage de l’Euphrate, et Nisibis vers le nord. Les villes d’Ur et d’Huran appartenaient également à cette contrée, bien que la première de ces deux villes soit considérée par la Genèse comme dépendante de la Chaldée. La population des montagnes se compose en partie de tribus barbares et belliqueuses qui ne reconnurent le joug d’aucun maître ; c’était particulièrement celle qui longeait le Tigre. La Mésopotamie fit cependant partie des États de presque tous les conquérants de l’Asie, jusqu’à ce qu’elle fût partagée par les Romains et les Parthes, qui s’en disputèrent souvent la possession. À la faveur des troubles auxquels l’empire de Syrie fut en proie, la petite contrée d’Osroëne se forma eu royaume, lequel dura fort longtemps, même pendant la domination romaine : Edesse en était la capitale. »]