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Liberté
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet
Westphal

Liberté, Libre comme opposée à la servitude, à l’esclavage ; marque l’état d’un homme qui peut agir sans obstacle et sans contrainte, et indépendamment de la volonté d’autrui. Il est souvent parlé de celte sorte de liberté, dans l’Écriture. Les Hébreux se piquaient fort de liberté ; ils se vantaient, du temps de notre Sauveur, de n’avoir jamais été privés de cette liberté : (Jean 8.33) ; c’était une rodomontade ridicule de leur part, puisqu’on sait qu’ils avaient été si souvent assujettis à des puissances étrangères sous les Juges, et ensuite du temps des rois d’Assyrie, de Chaldée et de Perse, en sorte que Tacite n’a point feint de dire que Sous les Assyriens ; les Mèdes et les Perses, ils furent comme les derniers des esclaves (Voyez Esclavage).

Il est pourtant vrai que dans le premier dessein de Moïse, les Israélites ne devaient jamais être réduits en une servitude entière. Ils pouvaient se vendre ou tomber en servitude parmi leurs amères ; mais ils avaient toujours la faculté de se racheter ou de se faire racheter par quelques-uns de leurs parents, ou de sortir d’esclavage en l’année Sabbatique, ou enfin en l’année du Jubilé qui remettait tous les Hébreux en liberté, et les faisait rentrer dans leurs héritages. Et c’est apparemment sur ce pied-là qu’ils se vantaient de n’avoir jamais été réduits en esclavage. Toute leur nation était également noble et libre ; Saül, David et Jéroboam, qui montèrent sur le trône, n’étaient pas de meilleure condition que le dernier berger d'Israël. Nous avons parlé dans les articles d’Année Sabbatique et de Jubilé, des cérémonies qui s’observaient quand on mettait un esclave hébreu en liberté. Voyez aussi l’article esclaves.

Liberté Affranchissement, se dit aussi d’un peuple qui vit selon ses lois, sans dépendre d’un autre. Les rois de Syrie, après avoir longtemps persécuté les Juifs, leur accordèrent enfin la liberté, sous le pontificat de Simon Machabée (1 Machabées 14.26), ils les laissèrent vivre selon la loi de Moïse, et les affranchirent des tributs et autres servitudes qu’ils rendaient auparavant au royaume de Syrie (1 Machabées 15.6).

Domus libera, une maison séparée du commerce des autres hommes. Le roi Azarias ayant été frappé de lèpre, fut séparé du reste des hommes, et réduit à la condition des particuliers (2 Rois 15.5).

Le Psalmiste (Psaumes 87.6) dit qu’il est comme un homme abandonné de tout secours, libre entre les morts. On l’explique de Jésus-Christ qui descendit aux enfers, toujours parfaitement libre d’en sortir et d’en tirer ceux qui y étaient détenus ; ou bien du même Sauveur enfermé dans le tombeau, et toutefois maître d’en sortir, quand il voudrait, par la résurrection. On peut traduire l’hébreu : Je suis comme ces morts de liberté, comme ces hommes qui sont morts de leurs blessures, et qui dorment dans le tombeau ; ou autrement, comme ces hommes de-liberté, ces anciens héros qui se vantaient de liberté et d’indépendance, et qui sont toutefois morts de leurs blessures, et endormis dans le tombeau.

Liberté de l’Évangile, opposée à la servitude de la loi. Saint Paul a souvent parlé de cette liberté que Jésus-Christ nous a procurée (Galates 4.31) : Nous ne sommes pas les enfants de la femme esclave, mais de la libre. Nous ne venons pas d’Agar, qui est esclave avec ses fils ; ce sont les Juifs : mais nous sommes les fils de Sara la femme libre, nous jouissons de la liberté des enfants de Dieu, en vertu de l’adoption que Jésus-Christ nous a procurée. Cette liberté nous délivre du joug des cérémonies de la loi, de l’obligation d’observer les purifications, les distinctions des viandes et plusieurs autres pratiques gênantes et pénibles, auxquelles la loi assujettissait les Juifs. Voyez (Romains 8.21 1 Corinthiens 10.29 2 Corinthiens 3.17, Galates 2 Galates 4 Galates 5) et (Jacques 1.25 ; 2.12).

Liberté à la justice, opposée à la servitude du péché. C’est la justification que Jésus-Christ nous a procurée par sa mort, que nous acquérons par le baptême, que nous conservons par la bonne vie et par la pratique des vertus chrétiennes, et que nous recouvrons par la pénitence, lorsque nous avons eu le malheur de la perdre, en nous rendant esclaves du démon et du péché.

Liberté et libre arbitre, opposé à la contrainte, à la nécessité ; l’homme a la liberté de faire le bien et le mal (Ecclésiaste 15.14) : Dieu a créé l’homme dès le commencement, et il l’a laissé dans la main de son conseil. Il lui a donné ses commandements et ses préceptes ; si vous voulez observer les commandements, ils vous conserveront ; il a mis devant vous l’eau et le feu, étendez votre main auquel des deux vous voudrez. Il y a toutefois une grande différence entre la liberté dont nous jouissons pour faire le mal et pour faire le bien. Nous avons la malheureuse liberté de faire le mal par nos propres forces, nous y sommes entraînés par notre concupiscence, à laquelle nous pouvons à la vérité toujours résister, mais à laquelle nous ne résisterons pas réellement et efficacement, sans le secours de la grâce du Sauveur ; au lieu que pour le bien, quoique nous ayons toujours la liberté de le faire ou de ne le pas faire, nous ne pouvons toutefois le faire comme il faut et d’une manière utile pour le salut éternel, sans le secours d’une grâce particulière qui, sans blesser notre liberté, et sans nous imposer aucune nécessité ni contrainte, nous porte agréablement, et toutefois efficacement à préférer ce qui plaît à Dieu, à ce que désire l’amour-propre, la concupiscence.

Les rabbins ont une idée de la liberté et du libre arbitre bien différente de celle qu’en donnent les auteurs chrétiens. Ils reconnaissent que l’homme a la liberté, sans laquelle il ne serait pas homme ; il cesserait en même temps d’être raisonnable, s’il aimait le bien, ou suivait le mal sans connaissance, ou par instinct. Que deviendraient les peines et les récompenses, les menaces et les promesses, et tous les préceptes de la loi, s’il n’était pas au pouvoir de l’homme de les accomplir ou de les violer ? Ils admettent la liberté d’indifférence dans toute son étendue. Ils sont persuadés qu’on dissimule son sentiment toutes les fois qu’on ôte au libre arbitre quelque chose de sa liberté.

Maimonides réfute la fatalité des astrologues, mais il fait tout dépendre du tempérament : De même, dit-il, que Dieu a créé l’homme d’une stature droite avec des pieds et des mains, il lui a donné aussi une volonté pour se mouvoir et pour agir comme bon lui semble, et c’est la bonté du tempérament qui leur rend les choses faciles ou difficiles. Il dit que la crainte de Dieu n’est point en la main du ciel qu’il dépend de l’homme d’observer ou de ne pas observer la loi et les préceptes. La crainte de Dieu est de cet ordre ; elle ne dépend point de Dieu, mais de la volonté de l’homme.

Menasse-Ben-Israel autre fameux rabbin, soutient que la grâce prévenante, reconnue par quelques rabbins, est un sentiment qui s’éloigne de la tradition. Que si la grâce prévenait la volonté, elle cesserait d’être libre. Il n’établit que deux sortes de secours de la part de Dieu ; l’un par lequel il ménage les occasions favorables, pour exécuter un bon dessein qu’on a formé ; et l’autre par lequel il aide l’homme, lorsqu’il a commencé de bien vivre. Il dit aussi qu’on a besoin du concours de la Providence, pour toutes les actions honnêtes ; et que comme un homme qui veut charger sur ses épaules un fardeau, appelle quelqu’un à son secours pour le soulager, ainsi le juste fait les premiers efforts pour accomplir la loi, et Dieu, comme un bras étranger, vient lui prêter son secours, pour mettre sa résolution à exécution.

Si l’homme était assez méchant pour ne pouvoir faire le bien sans la grâce, Dieu serait l’auteur du péché et de la corruption, et quoiqu’on ne puisse vaincre absolument cette corruption sans secours, on ne laisse pas de commencer le combat et la victoire ; mais on ne la remporte pas absolument, si Dieu ne vient au secours. De plus, si Dieu donne à tous les hommes des secours communs et efficaces, comment ne sont-ils pas tous sauvés ? Et s’il ne leur en donne que de particuliers, comment peut-on dire qu’il n’y a point chez lui d’acception de personnes ? Comment laisse-t-il périr les uns, pendant qu’il sauve les autres ? N’est-il pas beaucoup plus naturel de croire que Dieu imite les hommes, qui prêtent leur secours à ceux qu’ils voient avoir formé de bonnes résolutions, et qui font des efforts pour quelque belle entreprise ? On peut voir ci-après l’article Péché originel. On voit par ce système de la grâce, que les Juifs, ou ne la croient point, ou n’en connaissent que très-imparfaitement les effets.