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Hillel
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet
Westphal

Fameux rabbin, qui vivait, dit saint Jérôme, peu de temps avant Jésus-Christ. Il était un peu plus ancien que Saméas ou Simaï, et devint chef d’une des plus célèbres écoles des Juifs. Je suis surpris que Josèphe, qui parle en plus d’un lieu de Saméas, n’ait rien dit d’Hillel, son maître, à moins qu’il ne l’ait appelé d’un autre nom ; car il fait mention de Pollion, fameux pharisien, ami d’Hérode et maître de Saméas, Antiquités judaïques livre 15 chapitre 1 et sut, page 541, et d’Ananel, qu’Hérode fit venir de Babylone pour être souverain pontife. Hillel est peut-être caché sous l’un ou l’autre de ces deux hommes. Saméas vivait du temps d’Hircan, et il vit les commencements d’Hérode. Ainsi Hillel a dû fleurir sous le règne de ce prince.

Ce rabbin était né à Babylone, et y avait demeuré jusqu’à l’âge de quarante ans ; alors il vint à Jérusalem, où il s’appliqua sérieusement à l’étude de la loi ; il s’y dis tingua si fort, qu’après quarante ans il fut fait chef du sanhédrin, à l’âge, par conséquent, de quatre-vingts ans. Il y vécut encore quarante ans, selon les Juifs, de sorte que, sèlon leur calcul, il aurait vécu six vingts ans, Il entra, disent-ils, en charge cent ans avant la prise de Jérusalem. Cette chronologie n’est pas exacte, mais les rabbins n’y regardent pas de si près.

On prétend qu’il descendait de David par sa mère, car elle était de la race de Sephata, fils de David et d’Abital ; du côté paternel, il était de la tribu de Benjamin. Tous les écrivains juifs le regardent comme le plus éminent des anciens docteurs de leur nation : ses fils et petits-fils ont rempli avec honneur la charge de président du sanhédrin pendant l’espace de dix générations. Tout cela se dit sur la foi des rabbins.

Nous croyons que Josèphe l’historien a désigné le docteur Hillel sous le nom de Pollion. Cet historien raconte que, le grand Hérode assiègeant Jérusalem afin de réduire par la prise de cette place toute la Judée à le reconnaître pour roi, tous les membres du sanhédrin s’opposaient fortement à son dessein, et criaient de toutes leurs forces : Le temple du Seigneur, le temple du Seigneur, le temple du Seigneur comme si Dieu, intéressé à la gloire et à la conservation de son temple, eût été obligé d’empêcher que la ville sainte ne tombât entre les mains d’Hérode, qu’ils regardaient comme un étranger ; mais que Pollion et Saméas s’étaient toujours opposés aux autres conseillers, et avaient déclaré qu’il fallait recevoir Hérode pour roi et lui rendre la ville, représentant au peuple que, leurs péchés étant montés à leur comble, Dieu voulait les punir en les livrant à Hérode, et que tous leurs efforts pour lui résister seraient inutiles. Leurs remontrances ne firent point d’impression sur les esprits : Hérode se rendit maître de la ville par force, et fit mourir tous les membres du sanhédrin, à la réserve de Pollion et de Saméas, ou Hillel et Saméas, selon ceux qui croient que Pollion est le même que Hillel.

Ces deux rabbins sont ceux dont il est parlé dans la Misne, ou Deutérose, on seconde loi des Juifs. Ce sont les principaux maîtres de la tradition des Juifs renfermée dans la Misne. Ces deux rabbins s’étant partagés de sentiment, et leurs disciples étant entrés dans leur querelle il y eut du sang, répandu et des personnes tuées de part et d’autre ; mais l’école de Hillel prit enfin le dessus, et la décision fut prononcée par une prétendue voix du ciel, qu’ils appellent Bath, Kol, ou Fille de la voix, qui mit fin à tous les désordres. [Voyez Bath-Kol]. Hillel était d’une humeur douce et paisible, et Schammaï ou Saméas, au contraire, était d’un tempérament aigre et violent ; toutefois il se lassa de la dispute, et voulut bien se rendre à une voix qu’ils ouvrent et qu’ils firent passer pour une espèce d’oracle. Les Juifs donnent le tort à Saméas, et élèvent Hillel jusqu’au ciel. [Voyez le calendrier des Juifs, au 9 du mois d’Ader, à la tête du premier volume].

Celui-ci forma plus de mille élèves dans la connaissance de la loi, et entre ces mille il y en eut quatre-vingts d’une grande distinction ; car les auteurs juifs remarquent qu’il y en avait trente dignes que la gloire de Dieu se reposât sur eux, comme elle avait reposé sur Moïse ; trente qui pouvaient faire arrêter le soleil, comme Josué l’avait arrêté. Les vingt autres étaient un peu au-dessous des premiers, mais au-dessus des seconds. Le plus éminent de tous était Jonathan, fils d’Uziel, auteur de la Paraphrase chaldaÏque sur les prophètes.

Les Juifs disent que Hillel était si pauvre, qu’il était obligé de travailler de ses mains pour gagner sa vie, et que, pour satisfaire l’ardeur dont il était transporté d’apprendre, il donnait la moitié de son gain au portier de l’académie, et se nourrissait de l’autre. Ayant manqué de travail et ne pouvant fléchir le portier, il se mit à la fenêtre pour écouter : et y étant demeuré la nuit, on le trouva le malin tout couvert de neige. Le maître, l’ayant remarqué en cet état, admira son affection pour l’étude, et crut qu’il méritait qu’on violât le sabbat pour le réchauffer.

Il devint chef d’une école célèbre, et eut un grand nombre de disciples fameux. Les Juifs le comblent d’éloges magnifiques. Ils l’appellent prince du sanhédrin, chef des Pharisiens, défenseur des traditions. Saméas, son disciple, s’éloigna de ses sentiments sur plusieurs articles. Saint Jérôme dit que ces deux grands hommes formèrent deux partis parmi les Juifs, et furent maîtres des Scribes et des Pharisiens. Akiba leur succéda ; et à Akiba succéda Meir. Il ajoute que les Hébreux rapportaient leur Misne et leur Deutérose à Sammaï et à Hillel. Les rabbins racontent que étant venu de Babylone à Jérusalem, fut consulté sur la célébration de la Pâque, qui tombait cette année-là un samedi, et que l’on fut si content de sa réponse, qu’on le fit patriarche de sa nation, et que sa postérité lui succéda jusqu’au cinquième siècle de l’Église.

Il eut pour successeur Siméon, son fils, que l’on a confondu avec le saint vieillard Siméon, qui reçut notre Sauveur, lorsque la sainte Vierge et saint Joseph le présentèrent au temple (Luc 2.25-28). Mais ce qui détruit absolument cette conjecture, c’est que Hillel, ayant tenu le patriarcat quarante ans, a vécu encore environ dix ans après la naissance de Jésus-Christ. Ainsi Siméon, son fils, ne pouvait alors être ni pontife, ni patriarche des Juifs, ni d’un âge aussi avancé que saint Luc nous l’insinue. Au reste, le nom d’Hillel ne se lit point dans l’Écriture ; et nous ne le mettons ici que parce qu’il est très célèbre dans les écrits des Juifs, et qu’on le fait père du saint vieillard Siméon. Il y eut encore un autre Hillel très-fameux parmi les Juifs, lequel vivait, selon les rabbins, vers l’an 240 de Jésus-Christ.

Hillel II fils de Judas le Saint, fut un rabbin célèbre chez les Juifs, et même chez les chrétiens. On croit que c’est lui qui fixa l’époque de la création, du monde, et compta de là les années, comme les Juifs les comptent encore aujourd’hui. Auparavant ils se servaient de différentes époques : la sortie d’Égypte était l’ère des uns, la loi donnée sur le mont Sinaï était celle des autres. Quelques-uns comptaient leurs années depuis la dédicace du temple, d’autres depuis le retour de la captivité de Babylone ; il y en avait même qui tiraient leur époque de l’entrée d’Alexandre le Grand dans Jérusalem. Mais Hillel introduisit l’usage de compter les années depuis le commencement du monde, usage qui a été suivi uniformément depuis que la Gemarre a été achetée ; et selon son calcul Jésus-Christ est né l’an du monde 3760, au lieu que selon le nôtre il est né en l’an 4.000 depuis la création du monde.

On accuse les Juifs d’avoir exprès abrégé la chronologie de l’Ancien Testament et diminué le nombre des années qui se sont écoulées avant Jésus-Christ, pouvoir éluder les prophéties qui parlaient de la venue du Messie. Les Juifs incrédules en étaient embarrassés, et surtout on les attaquait par la prédiction d’un certain Élie, qui assurait que le Messie naîtrait, et que la loi serait abolie à la fin du quatrième millénaire du monde ; car il comptait deux mille ans sous la nature, deux mille ans sous la loi, et deux mille ans sous le Messie ; après quoi le monde devait finir. Comme cette tradition venait des Juifs, et que plusieurs d’entre eux en étaient ébranlés et se convertissaient au christianisme, le second Hillel crut rendre un service essentiel à sa nation en diminuant le nombre des années qui s’étaient écoulées depuis la création du monde jusqu’à la naissance de Jésus-Christ.

Les Juifs prétendent de plus qu’Hillel, dont nous parlons, composa un cycle de dix-neuf ans, par lequel il conciliait le cours du soleil avec celui de la lune, à la faveur de sept intercalations. Il intercalait un mois à la troisième année, à la sixième, à la huitième, à la onzième, à la quatorzième, à la dix-septième et à la dix-neuvième. Les Juifs ont reçu ce cycle avec d’autant plus de facilité, qu’il était le prince de la captivité en Occident, et on l’a toujours suivi, jusqu’à ce que Sid réforma le calendrier en Espagne, par l’ordre du roi Alphonse.

Hillel réforma aussi le Tekupha, c’est-à-dire la révolution de l’année, en fixant les solstices et les équinoxes d’une manière plus exacte qu’on n’avait fait jusqu’alors ; par exemple, on avait mal placé l’équinoxe d’automne au 7 d’octobre : il la remit au 24 de septembre.

On croit qu’il écrivit de sa main une Bible fameuse, qui s’est conservée jusqu’au seizième siècle. Kimchi dit qu’on en gardait le Pentateuque à Tolède.

Origène avait connu Hillel II et il le consultait souvent. Saint Épiphane assure qu’il se convertit au christianisme avant sa mort. Voici comme il raconte la chose, ainsi qu’il l’avait apprise de la bouche de Joseph, qui avait été ami intime de Hillel, tuteur de son fils, et l’un de ses disciples. Eusèbe de Verceil et saint Épiphane étant allés vair Joseph à Scythopolis, il leur dit que Hillel, descendu d’un Gamaliel, qui avait eu le patriarcat des Juifs, sentant sa fin approcher, fit appeler l’évêque de Tibériade, sous prétexte de le consulter sur son mal, comme un médecin expérimenté ; mais, ayant fait sortir res domestiques, il se fit baptiser en secret. On croit que cela arriva vers l’an 310 ou 312 de Jésus-Christ.

Il laissa un fils mineur sous la tutelle de deux amis, qui l’élevèrent dans les principes de la religion juive : il fut patriarche ou prince, comme l’avait été son père. Joseph, l’un de ses tuteurs, s’étant converti au christianisme, raconta tous ces détails à saint Épiphane et à saint Eusèbe de Verceil, ainsi que nous l’avons dit.