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Herodiens
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet
Westphal Bost

Une des quatre sectes qui étaient parmi les Juifs du temps de notre Sauveur. Cette secte n’est pas ancienne, et elle ne peut pas avoir précédé le règne des Hérodes dans la Judée. Ni Josèphe, ni Philon n’en parlent pas sous les noms d’Hérodiens. Mais l’Évangile les désigne sous ce nom en plus d’un endroit (Matthieu 22.16 Marc 3.6 ; 8.15 12.14). On est fort partagé sur la secte des Hérodiens : ou peut compter jusqu’à huit ou neuf opinions parti culières sur leur origine. Les uns ont cru que les Hérodiens tenaient Hérode pour le Messie ; mais, comme on connaît plusieurs Hérodes qui ont régné sur les Juifs, on est encore partagé savoir lequel d’entre eux on prenait pour le Messie. La plupart sont pour le grand Hérode, fils d’Antipater, qui mourut quelques mois après la naissance de Jésus-Christ. Il parut dans un temps où tout le monde était dans l’attente du Messie. C’était un prince puissant, vaillant et belliqueux : on dit qu’il fit brûler les archives où l’on conservait les mémoires généalogiques de la maison de David, afin que personne ne pût prouver qu’il n’était pas de cette famille, d’où l’on savait que le Messie devait naltre. Enfin, on cite Perse, qui parle d’une fète du roi Hérode, que Ion célébrait à Rome, même parmi les Juifs, avec de grandes illuminations.

D’autres ont cru que le chef des Hérodiens était Hérode II surnommé Antipas, tétrarque de Galitée. Ce fut un prince fort ambitieux et fort politique, puisque le Sauveur lui donne le nom de Renard (Luc 13.32). Il pouvait bien avoir l’ambition de passer pour le Messie.

Philastrius et quelques autres ont cru qu’Hérode-Agrippa, qui fut établi roi de Judée par Caligula, avait donné son nom aux Hérodiens. Mais comment soutenir ce sentiment, puisque les Hérodiens étaient déjà connus quelques années avant que ce prince montât sur le trône ?

Le père Hardouin a imaginé que les Hérodiens étaient des Platoniciens que le roi Hérode avait mis en crédit dans la Judée, à l’imitation des Platoniciens d’Athènes, dont il suivait la secte. Ces Platoniciens, selon lui, étaient dans les mêmes principes que les Saducéens ; d’où vient que dans l’Évangile on met les Hérodiens pour les Saducéens ; et Jésus-Christ, ayant dit à ses disciples, dans saint Marc, de se garder du levin des Pharisiens et d’Hérode (Marc 8.15), leur dit dans saint Matthieu, de se garder du levin des Pharisiens et des Saducéens (Matthieu 16.6). Mais dans d’autres endroits, les évangélistes distinguent claire nient les Saducéens des Hérodiens ; et il est très-vraisemblable que saint Marc a suppléé à ce qui manquait dans saint Matthieu.

L’auteur de l’Ouvrage Imparfait sur saint Matthieu, croit que les Hérodiens étaient des païens sujets d’Hérodc-Antipas ; mais est-il croyable que les Pharisiens se soient concertés avec des païens pour tenter Jésus-Christ ?

Plusieurs Pères et plusieurs commentateurs ont avancé que les Hérodiens étaient des gens de la suite d’Hérode, qui, pour contenter leur curiosité, ou pour faire leur cour à leur maître, vinrent avec les Pharisiens tenter Jésus-Christ sur le payement du tribut ; mais il paraît par le récit des évangélistes, que les Hérodiens étaient une secte subsistante dans la Judée, indépendamment du roi Hérode, et de sa puissance à Jérusalem.

Quelques-uns ont voulu que les Hérodiens fussent des politiques qui favorisaient la domination d’Hérode et des Romains contre les Juifs, zélés pour la liberté de leur nation. Les premiers soutenaient qu’il fallait payer le tribut aux rois établis par les Romains, et on leur donna le nom d’Hérodiens, comme qui dirait royaux, ou royalistes, par opposition aux autres Juifs, qui n’étaient pas du même sentiment, et qu’on pouvait appeler républicains, ou libres.

Saint Justin le Martyr dit que les Hérodiens étaient des partisans d’Hérode, qui le reconnaissaient pour grand prêtre de leur nation ; ce que les autres Juifs ne voulaient pas faire. Strabon dit que ce prince prit la souveraine sacrificature, que ses prédécesseurs n’avaient point possédée. Mais Josèphe ne dit rien de pareil ; seulement il reconnait qu’Hérode, après la mort de son beau-frère Aristobule, disposa de la souveraine sacrificature à sa volonté ; ce qui déplut sans doute aux bons Israélites. Mais on n’a aucune preuve que ceux qui approuvaient en cela la conduite d’Hérode aient fait une secte dans la nation.

Scaliger et quelques autres ont cru que c’était une espèce de confrérie érigée en l’honneur d’Hérode ; comme il y en eut à Rome en l’honneur d’Auguste, d’Adrien, d’Antonin, nommés pour cette raison Soda-les Augustales, Augustaux, Adrianaux, etc. ; mais cette confrérie ou société des Augustaux ne fut établie à Rome qu’après la mort d’Auguste, et aussi, par conséquent, après celle d’Hérode, qui mourut avant Auguste.

M. Prideaux prouve fort bien que les Hérodiens étaient une secte formée chez les Juifs ; qu’ils avaient un levain, ou des dogmes particuliers distingués de ceux des Pharisiens et des Saducéens, desquels Jésus-Christ veut qu’on se garde. On ne peut douter qu’ils n’aient pris leurs sentiments du grand Hérode, puisqu’ils en portaient le nom : ils étaient apparemment ses partisans, ou ses domestiques, comme les appelle la version syriaque. Il n’est question que de savoir quels étaient les dogmes des Hérodiens. Cet auteur croit qu’ils se réduisaient à ces deux chefs : 1. En ce qu’ils croyaient que la domination des Romains sur les Juifs, était juste et légitime, et qu’il fallait s’y soumettre. Le second, qu’on pouvait en conscience, dans les circonstances présentes, suivre plusieurs usages et plusieurs modes des païens. Il est certain qui Hérode était dans ces principes, puisqu’il s’excuse sur la nécessité des temps d’avoir fait plusieurs choses contre les maximes de la religion des Juifs.

Après avoir exposé ces différents sentiments sur le sujet des Hérodiens, il nous reste à prendre notre parti sur cette question.

Nous voyons par l’Évangile,

1° Que c’était une secte formée et subsistante parmi les Juifs du temps de Jésus Christ ;

2° Qu’elle différait des Pharisiens, des Saducéens et des Esséniens : nous avons fait voir que la preuve qu’on apporte pour montrer qu’ils étaient les mêmes que les Saducéens, n’était pas solide ;

3° Ils paraissaient toujours avec les Pharisiens ;

4° Ils s’intéressaient à savoir s’il fallait payer le tribut aux Romains, ou non ;

5° Ils étaient dans des principes dangereux, puisque le Sauveur veut qu’on se défie de leur levain.

Or je ne vois que les disciples de Judas le Gaulonite, ou le Galiléen, à qui tous ces caractères conviennent. Ils composaient une secte bien marquée dans Josèphe : Ils étaient d’accord en toutes choses avec les Pharisiens : la seule chose qui les distinguait était leur amour excessif pour la liberté, persuadés qu’il n’y avait que Dieu seul à qui les hommes doivent l’obéissance. Cette secte était dans toute sa vigueur au temps de Jésus-Christ ; elle se dissipa après la ruine de Jérusalem, lorsque la nation fut dispersée et réduite en servitude.

Judas le Gaulonite, ou le Galiléen, parut au temps que se fit le dénombrement de tout le peuple par ordre d’Auguste, l’an de Jésus-Christ 10, de l’ère vulgaire 14, dix ans après lé dénombrement qui s’était fait à la naissance de Jésus-Christ. Ce Judas prétendit que les vrais Israélites, étant le peuple de Dieu, ne devaient être assujettis à aucun homme. Il eut grand nombre de disciples, que les uns nommèrent Galiléens, parce que Gaulon est dans la haute Galilée ; et les autres Hérodiens, parce que cette ville était du royaume d’Hérode-Antipas. Josèphe ne leur donne aucun nom particulier ; il dit simplement qu’ils étaient sectateurs de Judas le Gaulonite, grands amateurs de la liberté ; et au reste dans les mêmes sentiments que les Pharisiens. Tout ce que l’Évangile nous dit des Hérodiens revient parfaitement à l’idée que Josèphe nous donne des disciples de Judas le Gaulonite. Saint Jérôme ne doute pas que ce ne soit contre ces hérétiques que saint Paul s’élève dans ses Épîtres, lorsqu’il recommande la soumission aux puissances séculières établies de Dieu. Voyez notre Dissertation sur les sectes des Juifs, à la tête du Commentaire sur saint Marc.