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Heber
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet
Westphal Bost

Fils de Salé (Genèse 11.14), naquit l’an du monde 1723, avant Jésus-Christ 2277, avant l’ère vulgaire 281. Plusieurs ont cru que Héber étant un des aïeux des Hébreux, c’était de lui qu’Abraham, et après lui ses descendants, avaient été appelés Hébreux : mais il y a beaucoup plus d’apparence que le nom d’Hébreux a été donné a Abraham et à sa race, parce qu’ils étaient venus dans la terre de Chanaan de delà l’Euphrate ; en sorte que Hebrceus ne voudrait dire autre chose, dans son origine, qu’un homme venu de delà l’Euphrate. Heber, en hébreu, signifie au delà, ou simplement le passage. Pourquoi Abraham, qui n’est que le sixième depuis Héber, aurait-il plutôt pris son nom de ce patriarche, que d’un autre de ses aïeux ? Pourquoi ne le pas prendre plutôt de Sem, par exemple, qui est qualifié par Moïse, père de tous les enfants d’Héber, ou de delà l’Euphrate, que d’Héber, dont la vie n’est relevée par aucune circonstance dans l’Écriture ? La première fois qu’Abraham est nommé Hébreu (Genèse 14.13), c’est environ dix ans depuis qu’il fut arrivé dans la terre de Chanaan, et à l’occasion de la guerre de Codorlahomor et de ses alliés. Les Septante et Aqui la traduisent l’hébreu heberi, par peratès, ou peraïtès, qui signifie un passager, un homme de delà le fleuve. Si l’on veut approfondir cette question, on peut lire les Prolégomènes de Vallon et les autres livres que l’on a écrits sur cette matière, et notre Commentaire sur la Genèse, 10.24 [On ne trouvera pas inutile que, à propos de cette question, je rapporte ici quelques lignes de Barbié du Bocage. Ce savant, après avoir dit que la dénomination d’Hebreux vient d’Héber, suivant l’opinion du plus grand nombre d’auteurs, mais que, d’après Bochart, elle aurait une autre origine, ajoute : « Abraham est le premier personnage que l’Écriture qualifie du titre d’Hébreu. Quelle était donc l’origine d’Abraham, et d’où venait-il ? ll était bien descendant d’Héber, mais il sortait des pays situés au delà de l’Euphrate, du pays d’Ur en Chaldée ; ce qui a fait dire à Judith que les Hébreux étaient de la race des Chaldéens. Or, ce serait là ce qu’exprimerait dans cette opinion le nom hébreu ; il indiquerait un homme venu des pays situés au delà du fleuve de l’Euphrate, considéré généraletnentdans l’Écriture comme le fleuve par excellence ; il serait dérivé, soit du mot hébreu habar, qui signifie transire, passer, soit de la préposition heber, ultra, trams, au delà ; et de la sorte le mot labri, que les nations occidentales ont représenté sous la forme hebroei, voudrait dire ceux qui ont passé, et on aurait donné ce nom à Abraham et à ses descendants, qui demeuraient primitivement au delà de l’Euphrate, comme on a donné le nom d’ultramontains, de transalpins, aux peuples qui habitaient au delà des montagnes, au delà des Alpes. La vraisemblance de cette explication l’a fait adopter par plusieurs auteurs ecclésiastiques anciens et modernes. Cependant on n’a pas moins continué communément de rapporter le nom Hébreu à Héber, bien que l’on ignore les faits qui ont donné à ce descendant d’Arphaxad une importance que n’ont pas les autres. Les Hébreux prirent aussi le nom d’Israël, peuple d’Israël ou Israélites, et de Juifs ; mais les époques pour ces dan dernières dénominations sont distinctes, l’une était en usage avant, et l’autre le fut après la captivité. Pour le nom Hébreu, on l’a indifféremment employé dans tous les temps, quoique moins fréquemment depuis la captivité. »]

C’est encore une autre question, sur laquelle les anciens et les modernes sont partagés, savoir si la langue hébraïque lire son nom d’Héber, et si, à la confusion des langues, arrivée à Babel, elle demeura dans la seule famille d’Héber et de ses descendants. Comme la confusion des langues a été considérée comme la punition de la témérité de ceux qui entreprirent de bâtir cette tour, il semble qu’on a raison de présumer que la race d’Héber, qui était dès lors destinée de Dieu pour être la souche de la race sainte, et la dépositaire de la vraie religion, n’eut point de part à cette entreprise, ni, par conséquent, à la peine dont elle fut suivie.

On répond à cela deux choses : 1° qu’on n’a aucune preuve que la famille d’Héber n’ait pas eu de part au bâtiment de la tour de Babel ; et 2° qu’il est indubitable que la langue hébraïque a été commune à des peuples qui n’avaient aucune liaison avec la famille d’Héber ; par exemple, les Phéniciens ou chananéens, les Syriens, les Philistins, qui, du temps d’Abraham, parlaient hébreu, ou une langue très-peu différente de l’hébraïque. On ne peut donc pas dire que cette langue soit demeurée dans la seule famille d’Héber.

Mais, dira-t-on, d’où vient donc qu’on l’appelle langue hébraïque ? Est-ce à cause qu’on la parlait au delà de l’Euphrate ; comme nous avons dit ci-devant qu’on avait donné à Abraham le nom d’Hébreu, parce qu’il venait de delà ce fleuve ? Je réponds : 1° qu’il y a beaucoup d’apparence qu’on parlait en effet cette langue dans la Chaldée et dans la Mésopotamie, du temps d’Abraham, puisque ce patriarche, en entrant dans la terre des chananéens, n’eut pas la moindre peine à se faire entendre, et à entendre la langue du pays ; et, lorsque Jacob alla de la terre de Chanaan en Mésopotamie, il parla, entendit, et se fit entendre sans truchement. Ses deux femmes Rachel et Lia donnent à leurs enfants des noms hébreux. Les noms de personnes et de lieux de ces provinces, comme ceux de la Palestine, sont hébreux. Il n’est donc pas hors d’apparence que le nom de langue hébraïque vienne de ce qu’on la parlait au delà de l’Euphrate.

Mais, comme on la parlait aussi au deçà de ce fleuve, et que même on l’y parla plus longtemps et plus purement que dans la Chaldée et dans la Mésopotamie, ainsi qu’on le prouve parce que Jacob et Laban, ayant érigé un monument sur le mont de Galaad, lui donnèrent chacun un nom divers, selon la propriété de leur langue (Genèse 31.47) : cela montre que dès lors la langue syriaque était assez différente de la langue hébraïque ou phénicienne ; au lieu que, jusqu’au règne des Grecs, la langue hébraïque, chananéenne ou phénicienne, et celle des Philistins et des Samaritains subsistaient dans leur pureté dans la Palestine. Il semble donc qu’on doit dire gue le nom de langue hébraïque vient plutôt des Hébreux, descendants d’Abraham, que des peuples de delà l’Euphrate, dont la plupart ne descendaient pas d’Héber.

Au reste, il ne faut pas s’imaginer que la langue que nous appelons hébraïque ait été ordinairement connue sous ce nom chez les profanes. Ils la connaissaient sous le nom de langue phénicienne-, de langue syriaque, de langue punique, de langue des Juifs. Elle n’est devenue si célèbre parmi nous, sous le nom de langue hébraïque et de langue sainte, que parce que c’est l’idiome dans lequel sont écrits les divins oracles de l’Ancien Testament ; l’écriture même qui passe aujourd’hui pour la vraie et l’ancienne écriture hébraïque est plutôt l’écriture chaldéenne. Les vrais caractères hébreux ou phéniciens ne se sont conservés que sur les médailles et dans, le Pentateuque des Samaritains. Voyez Samaritains.

Mahomet appelle Heber, Hond dans son Alcoran, et a fait un chapitre entier sur sou sujet. Voici ce qu’il en dit : « Nous avons envoyé Hond aux gens de Aad, son frère ; il leur a dit : Ô peuples, n’adorez qu’un seul Dieu, autrement vous serez au nombre des Infidèles de ne vous demande point de récompense de la peine que je prends de vous prêcher ; celui qui m’a créé m’en récompensera. Ne serez-vous jamais sages ? Demandez pardon à Dieu ; convertissez-vous et obéissez à sa divine volonté, il vous enverra la pluie du ciel, et augmentera vos forces et vos richesses ; ne soyez pas au nombre des impies. Ils ont répondu ; Ô Hond, tu ne nous apportes point de raison pour prouver ce que tu dis ; tes paroles ne nous feront pas quitter nos dieux : nous n’ajoutons point de foi en tes discours, et disons de toi que quelqu’un de nos dieux te châtiera sévèrement. Il répondit : Je prends Dieu et vous-mêmes à témoin que je suis innocent du péché que vous faites d’adorer des idoles ; si vous conspirez contre moi, personne ne vous pourra protéger au jour du jugement. Je suis résigné à la volonté de Dieu, mon Seigneur et le vôtre… Dieu ajoute : Lorsque nous avons exterminé ce peuple, nous avons, par notre grâce spéciale, délivré Hond de leur malice, et tous les vrais croyants qui étaient avec lui, nous les avons garantis d’un très-grand tourment. Le peuple d’Aad a méprisé les commandements de Dieu et a désobéi à ses prophètes : il a été maudit en ce monde et sera maudit au jour du jugement, parce qu’il a désobéi à Dieu, et a formé le dessein d’exterminer les gens de Hond, son frère. »

Il y a dans le même chapitre intitulé Hond plusieurs passages qui concernent la prédestination et la réprobation positives qui ont fait dire à Mahomet que le chapitrede Hond lui avait fait venir les cheveux gris avant le temps, tant il en avait été effrayé.

Les peuples d’Aad auxquels Hond fut envoyé étaient un ancien peuple d’Arabie, descendus d’Ad, ou Aad, fils d’Amalec, et petit-fils de Cham, fils de Noé ;ou selon d’autres, Ad était fils de Hus, et petit-fils d’Aram, fils de Sena. Ad régna dans la province d’Ad’hamosh, en Arabie, et fut père d’une tribu des anciens Arabes, nommés Adites. Cette tribu ayant refusé d’écouter Hod ou Héber, et ayant même conspiré contre lui, Dieu envoya contre eux un vent brûlant, nommé Rih-Akim, qui les fit tous périr ; mais auparavant il leur envoya une famine de trois ans consécutifs, pendant lesquels le ciel fut fermé pour eux. Il périt pendant cette famine une grande partie du peuple des Adites, qui était un des plus nombreux et des plus puissants de l’Arabie. Ils s’adressèrent inutilement à leurs faux dieux, qui étaient Sakiah, qu’ils invoquaient pour avoir de la pluie ; Hafedah, à qui ils recouraient pour être préservés des mauvaises rencontres pendant leurs voyages ; Razechah, qu’ils croyaient leur fournir les choses nécessaires à la vie, et Salemah, qu’ils imploraient dans leurs maladies pour le recouvrement de leur santé.

Voyant que leurs dieux ne leur donnaient ançun secours, ils vouèrent un pèlerinage à Hegiaz, où est aujourd’hui la Mecque ; les députés qui y furent envoyés au nom de la nation avaient à la tête Morthah et Kil, le premier grand partisan de Hond, et fort persuadé de la vérité de ses prédications. Kil au contraire lui était fort opposé, et très-obstiné dans l’idolâtrie. Ces députés, étant arrivé ! chez Moavie, roi de la province d’Hegiaz, prièrent ce prince de retenir Morthad prison nier, pendant qu’ils iraient achever leur pèlerinage. Moavie se rendit à leur prière : ils continuèrent leur voyage, et étant arrivés au lieu où ils allaient, Kil fit cette prière à Dieu : Seigneur, donnez au peuple d’Ad la pluie telle qu’il vous plaira. Il ne l’eut pas plutôt achevée, qu’il parut trois nuées au ciel, l’une blanche, l’autre rouge, et la troisième noire, et en même temps on entendit du ciel ces paroles : Choisis celle que tu veux des trois. Kil choisit la noire, qu’il croyait la plus chargée et la plus abondante en eau. Mais lorsqu’il fut arrivé dans son pays, la nuée qui n’était grosse que de la colore de Dieu, ne produisit qu’un vent très-froid, qui, soufflant sept jours et sept nuits, extermina tous les habitants du pays, et ne laissa en vie que le prophète Hond ou Heber, et ceux qui avaient cru à sa parole. On montre dans ce même pais d’Adramonth une petite villa nommée Cabarhond, c’est-à-dire, tombeau de Hond, où l’on prétend que le prophète est enterré.