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Codorlahomor
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet

Roi des Élamites. Ce prince, après avoir tenu assujettis, pendant douze ans, sous sa domination cinq rois, savoir : Bara, roi de Sodome, Bersa, roi de Gomorrhe, Sennaab, roi d’Adama, Semeber, roi de Séboïm et le roi de Ségor, ils se révoltèrent contre lui, vers l’an du monde 2091. Codorlahomor assembla une grande armée et s’étant ligué avec Amraphel, roi de Sennaar, Arioch, roi d’Ellasar, peut-être Talassar, près de l’Assyrie, dans la province d’Éden, et avec Thadal, roi des nations, apparemment des nations qui étaient au delà du Jourdain, dans la Galilée des Gentils (Josué 12.23 Matthieu 4.15 Isaïe 9.1). Ces quatre rois avec leurs troupes marchèrent vers la terre de Chanaan : ils attaquèrent en chemin quelques peuples de delà le Jourdain, comme les géants Réphaïm, qui occupaient le pays qui est entre le torrent Jaboc et l’Arnon : ils prirent et pillèrent Astaroth-Careaïm, ville fameuse, située à l’orient de la mer de Galilée.

Ils battirent aussi les Zuzim, apparemment les mêmes que les Zomzomims, anciens habitants du pays qui fut ensuite occupé par les Ammonites (Deutéronome 2.20-21) Moïse dit que les Zuzim furent battus à Cham, peut-être Chamin, ancienne ville du même pays (Juges 10.5). Ils défirent encore les Emim dans Savé-Kariathaïm. Les Emim sont un peuple ancien qui demeurait originairement dans le pays qui fut depuis possédé par les Moabites (Deutéronome 2.20-21) ; et Savé-Kariathaim ou la Vallée de Cariathaïm est une ville du même pays, qui appartint depuis au roi Séhon (Josué 13.19-21). Enfin ils attaquèrent dans les monts de Galaad, les Chorréens, peuples fameux qui descendaient de Séhir le Chorréen, et dont le pays fut ensuite occupé par les Iduméens (Genèse 32.3 ;36.20) : ils poussèrent leurs conquêtes jusqu’aux campagnes de Pharan dans l’Arabie Pétrée. De là, ils retournèrent vers Cadès Barné, où est la fontaine de Misphat, qui ne porta ce nom que depuis Moïse (Nombres 20.13). Ils ravagèrent le pays des Amalécites, qui habitaient dans l’Arabie Pétrée, et défirent les Amorrhéens, dont la demeure était à Hazazon Thamar, que l’on croit être la même que Engaddi, ville voisine de la Pentapole et de Gomorrhe ; ainsi les quatre rois alliés commencèrent par abattre la puissance des peuples voisins de Sodome et Gomorrhe, afin que ces villes n’ayant plus aucun secours à espérer de ce côté-là, elles ne pussent échapper à leur-vengeance.

Les cinq rois révoltés, voyant les alliés s’approcher de leur ville, mirent leur armée en campagne et la rangèrent dans la plaine même où leurs villes étaient situées. Or, il y avait dans cette plaine beaucoup de puits d’où l’on tirait du bitume, circonstance qui pouvait en rendre l’accès plus difficile et plus dangereux â la cavalerie ennemie. Le combat se donna, et les rois de Sodome, de Gomorrhe, de Séboïm, d’Adama et de Ségor furent mis en fuite ; une partie de leur armée fut taillée en pièces, et l’autre partie se retira sur les montagnes voisines, laissant leurs villes en proie aux vainqueurs. Sodome, Gomorrhe et les autres places furent pillées ; et l’ennemi, chargé de butiri, et de captifs, reprit la route de l’Euphrate.

Observations sur la bataille des cinq rois ligués contre Codorlahomor dans la Vallée des Rois (Genèse 14.8). Je ne m’étendrai pas beaucoup sur cette journée ; le moyen de raisonner sur des faits si reculés dans les espaces des temps antiques ? Une opinion dont on aurait de la peine à me guérir, est qu’en ce temps, et même avant, les peuples de l’Asie n’étaient pas si malhabiles qu’on pourrait se l’imaginer. De la manière dont l’Écriture en parle, on faisait fort bien la guerre ; car l’on voit dès lors une tactique réglée fort sensée et même savante. À entendre certaines gens, on dirait que les armées du temps, d’Abraham combattaient comme feraient les Hottentots. Si le monde n’est pas plus ancien qu’on le prétend, on doit être étonné que ces peuples aient pu faire un si grand progrès dans l’art de la guerre, et en si peu de temps. C’est ce que je ferai bien remarquer dans ma Dissertation sur la tactique des Hébreux et des peuples de l’Asie ; mais ce n’est pas ici le lieu. [Cette Dissertation est parmi les pièces qui précèdent ce Dictionnaire].

L’Écriture ne dit pas un mot de la disposition des deux armées ; mais cela n’empêche pas que nous ne les mettions en ordre de bataille, parce que nous ne saurions : ignorer leur tactique. Il est certain qu’ils combattaient par grands corps et sur une grande profondeur : mille exemples. Je démontreront l’ordre d’Abrain, qui, sur l’avis de la perte de cette bataille, marcha contre les cinq rois victorieux, est une bonne preuve que l’on combattait de la sorte, c’est-à-dire par portions ou par divisions de phalange, et souvent en phalange parfaite ; car cette phalange tant vantée des Grecs ne différait que de nom avec celle des peuples de l’Asie.

Je range donc les troupes des cinq rois sur autant de corps et sur une grande profondeur, selon la méthode de ces anciens temps, plus sage et plus éclairée que n’est la nôtre. Il est apparent que l’armée de Codorlahomor fut rangée sur le même ordre, pour leur faire tête. Qu’on ne s’avise pas de me dire que ces deux dispositions sont imaginaires : je l’ai déjà dit, nous connaissons leur méthode de combattre, et cela suffit pour nous mettre au fait des autres ordres de bataille que les auteurs sacrés n’expliquent pas, ce qui est assez rare. Il serait facile à un auteur qui voudrait faire un plan de la bataille de Lens dans mille ans d’ici, de ranger l’armée dans cette plaine quand même notre méthode de combattre qui est en usage aujourd’hui serait perdue, pourvu qu’il n’ignorât rien de la tactique des Français et de celle des autres peuples de ce temps-là. Nous n’avons point de plan de la bataille de Cannes, cependant par ce que Polybe nous en apprend la disposition, on ne saurait se méprendre dans le plan de l’armée des Carthaginois et dans celui des Romains, dont nous connaissons la méthode ; et bien que celui de ceux-ci ne soit pas tout à fait conforme à la disposition ordinaire de leurs cohortes, l’historien nous l’explique de façon et si clairement, qu’il est impossible, pour peu d’expérience que l’on ait, de pouvoir se tromper dans le plan qu’on voudrait en faire l’ n’entre point dans les circonstances du combat entre Codorlahornor et les cinq rois : ceux-ci furent battus et par conséquent mis en fuite, c’est tout ce qu’elle nous en apprend.

Après la défaite des cinq rois par Codorlahomor et ses alliés, Loth, qui s’était retiré dans Sodome, fut enveloppé dans la disgrâce de cette ville ; on ravit tout ce qu’il avait, et il fut lui-même emmené avec les autres captifs. Alors un homme qui s’était sauvé du combat, vint donner avis à Abram de ce qui s’était passé. Abram demeurait pour lors dans la vallée de Mambré, et avait fait une espèce de ligue offensive et défensive avec Mambré, Eschol et Aner, qui demeuraient dans la même plaine. Aussitôt qu’il eut appris cette nouvelle, il en donna avis à ses alliés, et les exhorta à lui aider à délivrer Loth, son neveu. Ils armèrent leurs gens ; Abram se mit à la tête de trois cent dix-huit de ses serviteurs (Genèse 14.14), tous gens de résolution, et commença à poursuivre l’armée des quatre rois victorieux. Ils firent près de soixante et dix lieues sans les pouvoir atteindre ; enfin ils les joignirent à Dan, près les sources du Jourdain. Abram forma plusieurs corps de ses gens et de ceux de ses alliés, et venant fondre sur les ennemis peudant la nuit, il jeta la terreur dans leur camp, les défit et les poursuivit jusqu’à Hoba, ou Abila, au nord de Damas, dans la vallée qui est entre le Liban et l’Anti-Liban. Il ramena avec lui Loth, son neveu, tout ce qui était à lui, les femmes captives et tout le butin que Codorlahotnor et ses alliés avaient fais dans la défaite des cinq rois révoltés et dans le pillage de Sodome et Gomorrhe.

Observations sur la surprise du camp de Cordorlahomor par Abram (Genèse 14.14). Il s’était donné une grande bataille dans la Vallée des Bois. Codorlahomor, roi des Élamites, et trois autres rois alliés de celui-ci, avaient remporté une grande victoire sur cinq autres rois qui s’étaient ligués ensemble. Abram ayant appris que Loth, son neveu, avait été pris dans cette bataille, ne perdit pas un instant pour tâcher de le délivrer. Il choisit parmi ses serviteurs, dit l’Écriture, ceux qui étaient propres à porter les armes, au nombre de trois cent dix-huit, et se mit à les poursuivre jusqu’à Dan.

Pour rendre dans le véritable sens militaire le Persecutus est eos risque Hoba, je voudrais dire qu’Abram se jeta sur la marche des victorieux ; car le mot de poursuivre signifierait qu’Abram les avait déj à battus, au lieu que c’est un autre ennemi, un ennemi tout nouveau, qui les suit en queue, et qui cache sa marche pou ! n’être pas découvert et pour les surprendre. Il était trop faible pour les attaquer dans le plein jour ; il attendit donc la nuit, qui est la ressource des généraux qui out de petites armées, et l’heure la plus commode pour la surprise des camps. Il arriva sur eux lorsqu’ils s’y attendaient le moins. Et ayant partagé ses gens en plusieurs troupes, il vint fondre sur les ennemis durant la nuit, les défit et les chassa jusqu’à Hoba, qui est à la gauche de Damas. La ruse est bonne, et c’est toujours le meilleur, dans les attaques nocturnes, d’occuper les ennemis en différents endroits. Outre que les ténèbres augmentent la terreur, et que la surprise grossit tout en mal, on ignore les forces de l’ennemi, et on les croit toujours plus grandes qu’elles ne le sont en effet, parce qu’on ne peut s’imaginer qu’une poignée de gens osât attaquer une grande armée, et cette opinion est ordinaire dans les surprises.

Abram se rangea donc sur plusieurs petits corps, divisis sociis ; l’Écriture n’en explique pas le nombre : je crois que ces trois cent dix-huit hommes peuvent être de quelque effet sur quatre petits corps. On comprend aisément qu’il dut battre ses ennemis ; la nuit et la surprise sont deux choses plus dangereuses dans les grandes armées que dans les petites, parce qu’elles sont plus sujettes aux terreurs paniques l’exemple de la défaite des Bavarois auprès de Rhinsfeld, qui venaient de gagner une grande victoire sur le duc de Weimar, est une preuve démonstrative de cette maxime ; car celui-ci, ayant rassemblé les tristes restes de sa défaite, les rallia, et forçant une marche de nuit, tomba à l’improviste sur le camp des Bavarois, qui prirent la fuite sans rendre aucun combat. Il y a de l’apparence qu’Abram mit le feu dans le camp des ennemis, après l’avoir donné en proie à ses troupes victorieuses.