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Cène
Dictionnaire Biblique Bost

Repas institué par notre Sauveur, en souvenir de sa mort ; simple institution de Jésus, qui est devenue l’acte principal d’un culte redescendu jusqu’à la plus flagrante des idolâtries ! Pour revenir à son établissement primitif, il faut recourir à l’Évangile de Jean 13.1ss et à 1 Corinthiens 11.23.Le sujet a depuis trop longtemps perdu sa fraîcheur, et avec elle sa simplicité, pour que nous puissions facilement invoquer ici l’impression d’une première lecture. Et cependant c’est ce qu’il faudrait avant tout. Il serait même convenable d’user, ici comme en tant d’autres questions, des termes les plus simples que comporte le sujet, et de quitter des expressions tirées des langues étrangères, pour nous servir des termes plus clairs de notre langue habituelle. Cène signifie souper, repas : lisez l’institution elle-même, et vous y retrouverez un souper, un repas, celui que tous les Juifs faisaient et avaient fait depuis des siècles pour célébrer la Pâque, tandis que le mot de Cène, et bien plus encore celui d’Eucharistie, réveillent des idées, ou vagues ou fausses, qui peuvent être venues après coup, et qui permettent de parler de « mystères », et de « terribles mystères », puis d’une sainteté extraordinaire des prêtres qui doivent les célébrer, et de cent autres superstitions semblables.

Notre Sauveur, en instituant cette cérémonie qui n’est nulle part, non plus que le baptême, appelée un sacrement, semble avoir usé de cette largeur divine, de cette absence de précision, qui ne diffère de la négligence qu’en ce qu’elle a été volontaire, et qu’elle paraît avoir eu pour but de laisser, dans certaines bornes, les esprits divers envisager l’institution sous diverses faces. C’est le caractère constant du langage et l’action de Dieu dans les choses de ce genre. Cependant il doit y avoir dans cette institution une vérité fondamentale, et selon nous la voici : Comme un apôtre nous dit plus tard que, soit que nous mangions, soit que nous buvions, nous devons tout faire à la gloire du Seigneur (1 Corinthiens 10.31), ainsi, depuis la mort expiatoire de Jésus, ses disciples ne devaient plus perdre de vue ce grand sacrifice : tout devait le leur rappeler ; et toutes les fois en particulier qu’ils prendraient leur repas, qu’ils rompraient le pain, ou qu’ils boiraient à la coupe comme ils le faisaient en ce moment, ils devaient se souvenir de la mort que le Rédempteur avait subie, et l’annoncer jusqu’à ce qu’il revînt (Luc 22.19). Sans doute la Cène prit, dès les premiers moments de la pratique, une forme un peu différente, mais ce fait n’est point en contradiction avec l’institution telle que nous venons de la définir. Les développements ou les modifications que les apôtres ont pu apporter à une institution du Christ, ont d’après les propres paroles du Seigneur, autant d’autorité que les siennes mêmes. N’a-t-on pas vu déjà, sous l’ancienne alliance, une foule de lois données par l’Éternel, subir au bout d’un temps plus ou moins long, des modifications, quelques-unes assez importantes sans doute provoquées par l’Esprit même de Dieu, mais qui ne se présentent que comme des faits, ou comme les idées du peuple, d’un roi, ou d’un prophète, auxquelles Dieu donne après coup son approbation et le sceau d’une institution divine ? Il y aurait une foule d’exemples à citer ici ; nous n’alléguerons que les modifications considérables que subirent nécessairement, soit le culte depuis l’érection d’un temple, soit plusieurs lois civiles depuis l’établissement de la royauté. Disons encore le fait singulier que, sous Moïse et en la présence de Moïse, le peuple entier des Israélites reste 38 ans sans donner à ses enfants cette circoncision qui lui était si positivement commandée (Josué 5.5) !

Or ne serait-il pas permis de penser que Jésus ayant donné la règle générale et fondamentale, les apôtres chargés de l’application, et les fidèles qui voulaient y participer, se sentirent pressés, dans le cas dont il s’agit, de se réunir entre eux seuls, pour prendre en paix et sans obstacles ce repas commémoratif, et pour pouvoir célébrer sans trouble le bienfait de leur rédemption ? Le pouvaient-ils toujours dans leur repas ordinaire ? Un mari chrétien avec une femme païenne, ou l’inverse ; des enfants ou des parents, les uns convertis, les autres non, n’auraient-ils pas été mille fois empêchés de prendre leur repas de la manière que Jésus avait indiqué, c’est-à-dire de prendre le repas du Seigneur ? Ils se réunirent donc à cet effet ; et différents endroits du livre des Actes nous le prouvent jusqu’à l’évidence. Les apôtres allaient de maison en maison rompant le pain, tous les jours (2.46). Les Corinthiens de même faisaient un repas commun, et Paul ne blâme point chez eux ce fait, mais uniquement la manière dont il se passait, en leur disant que s’ils se réunissaient uniquement pour manger, ils pouvaient le faire chez eux, tandis qu’ici c’était le repas du Seigneur, – mais un repas (1 Corinthiens 11.20-22). De là les agapes ou repas de charité. Peut-être aussi la modification apostolique eut-elle pour motif notre légèreté naturelle et ce besoin que l’homme, même le plus pieux, éprouve d’être rappelé au sérieux par une cérémonie rare et imposante.

Sans doute, la Cène modifiée de bonne heure par des raisons du genre de celles qu’on vient d’indiquer, n’est plus qu’un semblant de repas : mais cela suffit, l’idée est conservée. Seulement il faut que cette idée primitive ne soit jamais perdue de vue, afin qu’on ne tombe pas dans les diverses superstitions, parfois bien grossières, qu’a enfantées une interprétation littérale, matérielle de l’institution du Sauveur. Ce principe est le seul qui unisse, et qui sépare dûment le symbole et son objet. On a vu, à l’article Baptême, combien les symboles étaient naturels et parlants ; on a vu en même temps qu’il ne fallait pas les confondre avec l’objet même qu’ils représentent. La Cène n’a par elle-même aucune vertu intrinsèque : elle a une profonde réalité à cause de la foi qu’elle nourrit et qu’elle ranime ; par contre elle peut aussi très bien produire des effets factices et trompeurs, à cause des idées dont l’imagination ou la superstition l’ont entourée ; voilà la messe.

Les mots de Jean (6.48-58), n’ont aucun rapport à cette cérémonie. Jésus lui-même, après avoir parlé de manger sa chair, et de boire son sang, ajoute que « ses paroles sont esprit et vie », et que « la chair ne sert de rien » (6.63).

La communion indigne (1 Corinthiens 11.27-29), consiste simplement à se rendre à cette cérémonie en en oubliant le but, ou en y apportant de mauvaises dispositions, de bravade ou d’hypocrisie. Celui qui y reçoit sa condamnation serait déjà condamné sans cela.

Disons enfin que c’est bien à tort qu’on applique généralement à la seule cène le commandement que Dieu nous donne de laisser là notre offrande quand nous avons quelque chose contre notre frère, ou plutôt « quand il a quelque chose contre nous », et que nous n’avons pas fait notre possible pour l’apaiser (Matthieu 5.23-24). Il s’agit là de tout acte de culte quelconque, lecture, prédication, chant, prière même et autres. La cène n’est ni notre offrande, ni une offrande ou un sacrifice ; elle en est simplement la commémoration. « Non que Christ s’offre plusieurs fois lui-même ; mais ayant été offert une seule fois pour ôter les péchés », etc. (Hébreux 9.25-28 ; cf. 10.10) : « l’oblation qui a été faite une seule fois du corps de Christ ». – v. encore les art. Coupe, et Pâques.