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Léviathan
Dictionnaire Biblique Bost
Westphal Calmet

Cette expression hébraïque emporte avec elle l’idée de mouvements sinueux et tortueux ; elle dirige l’attention vers ces grands amphibies qui s’ébattent à l’aise au milieu des eaux, les serpents et le crocodile. C’est, il paraît aussi, la signification générale de ce mot, et selon quelques auteurs il aurait tour à tour l’une et l’autre signification ; il faudrait l’entendre plus spécialement des serpents (Job 3.8 ; Ésaïe 27.1), du crocodile (Job 40.20), et des monstres marins en général (Psaumes 104.26 ; 74.14), pris dans ce dernier passage comme symboles de redoutables ennemis. (La dernière partie de Job 3.8, doit se traduire « ceux qui sont habiles à conjurer les léviathans ».)

Si l’on peut admettre ces divers sens d’un même mot, voir Serpent, il est un passage au moins dans lequel on doit le préciser davantage, c’est dans la description qui est faite de cet animal (Job 40.20 à 41.25). Et d’abord il est évident que ce morceau qui célèbre la grandeur de Dieu dans la création, contient la description d’un animal réellement existant, et non point d’un être fabuleux et chimérique, ainsi que l’ont supposé quelques auteurs. Un assez grand nombre d’idées ont été émises sur cette question, et plusieurs, notamment Schultens dans son commentaire, ont soutenu qu’il fallait entendre par léviathan les plus grosses espèces de serpents marins ; mais depuis Bochart presque tous les interprètes sont d’accord à y voir le crocodile (Rosenmuller, Gesenius, Winer, Preiswerk, Hevernick), et cette opinion se justifie amplement par l’accord des détails du livre sacré avec tout ce que nous connaissons de cet animal. Le morceau de Job se divise en deux parties ; la première (40.20 à 41.2) est destinée à montrer, à faire ressortir la faiblesse de l’homme en présence de ce redoutable animal, si fort et si bien armé pour résister et se défendre ; elle amène naturellement la conclusion : Comment celui qui ne peut lutter contre la créature, essaierait-il de le faire contre le créateur ? La seconde (41.3-25) est une description des différentes parties de l’animal, de son caractère, de sa force et de sa férocité, description si vivante qu’il semble qu’on ait le léviathan devant les yeux, la gueule ouverte, jetant des flammes.

Ces versets se rapportent au crocodile sortant du fleuve et chassant avec violence par les naseaux et par la bouche l’eau qui s’oppose à ses mouvements impétueux.

Tous les détails de cette poétique description concordent avec ce que les naturalistes et les voyageurs, anciens et modernes, nous disent du crocodile. Cet animal, géant dans la famille des lézards, habite particulièrement les bords du Nil, et devait être bien connu d’un auteur qui avait vécu en Égypte, comme celui du livre de Job. C’est là qu’il atteint ou dépasse 7 m. Son corps est vert, tacheté de noir ; le ventre est d’un blanc jaunâtre. La tête est au moins deux fois aussi longue que large, et sa gueule, garnie à la mâchoire supérieure de trente-six, à l’inférieure de trente dents, longues et pointues, s’ouvre jusque derrière les yeux et les oreilles. Ses mâchoires sont extrêmement fortes ; mais, comme elles ne peuvent se mouvoir que du haut en bas, et nullement de droite à gauche, le crocodile ne peut rien mâcher, et doit avaler sa nourriture telle qu’elle entre dans sa gueule ; il y joint quelquefois des pierres pour faciliter la digestion. Ses yeux et ses oreilles se recouvrent, quand il est dans l’eau, de peaux très fines qui ne gênent pas les fonctions de ces organes, et servent à les protéger. Son cou est court, et son dos si raide que tous les mouvements de côté, un peu rapides, lui sont impossibles, ce qui permet facilement à ceux qui sont poursuivis de lui échapper. Les écailles de son dos, toutes égales entre elles, sont rangées sur dix-sept bandes, et se distinguent par leur forme carrée et régulière. Ce que l’on a dit des larmes et du ton plaintif de cet amphibie, n’est qu’une fable ; sa voix (s’il en a une, ce qui est nié par quelques-uns), serait une sorte de mugissement rauque et élevé, sans rapport avec les cris d’un enfant. Il a le sang froid, et en petite quantité, rougeâtre, et il peut en perdre la plus grande partie sans en être sensiblement éprouvé. La femelle dépose dans le sable de trente à soixante œufs, légèrement plus grands que ceux de nos poules, et les laisse éclore au soleil, se bornant à les surveiller pour les défendre au besoin. Quand les petits brisent leur coquille, ils ont déjà 20 à 25 cm de longueur ; leur peau est tendre, mais ils n’en sont pas moins vifs et voraces.

Le crocodile passe volontiers ses journées sur terre, étendu sur le sable aux brûlants rayons du soleil africain, et sommeillant ; le soir, il retourne à l’eau. Sa pâture, il la cherche partout, mais s’attache de préférence aux êtres vivants ; des enfants, des femmes, des hommes même, deviennent victimes de sa férocité ; il fond sur eux à l’improviste, et les entraîne dans le fleuve. Quelques peuplades africaines se nourrissent de sa chair et la regardent comme un morceau délicat ; mais elle est dure et répand une forte odeur de musc.