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Hébreux
Dictionnaire Biblique Bost

Pour éviter des répétitions inutiles, et pour ne pas renfermer sous ce titre tous les articles du Dictionnaire, car il serait facile de grouper en un seul article tout ce qui concerne la vie nationale des Hébreux, leur législation, leurs coutumes, leur religion, leur histoire, la géographie de leur pays, etc., nous devons renvoyer aux articles spéciaux, et nous borner ici à quelques considérations générales sur leur langue et sur leur histoire.

La langue hébraïque est appelée, dans l’Ancien Testament, langue de Canaan (Ésaïe 19.18), et langue judaïque (2 Rois 18.26 ; Néhémie 13.24). Les Juifs, dans leurs Targums, l’appellent volontiers langue sainte, et le Nouveau Testament l’appelle langue ou dialecte hébraïque. L’hébreu appartient à la catégorie de langues qu’on a longtemps appelées orientales d’après saint Jérôme, et que l’on a commencé depuis quelques années à appeler sémitiques, dénomination plus précise, quoiqu’elle laisse encore quelque chose à désirer. L’hébreu est une langue pauvre en mots ; il n’en possède que 5642, d’après le savant Leusden, et à peine 300 racines ; mais il est riche par l’ingénieux développement de son organisme grammatical, la flexibilité de ses verbes, et le grand nombre de nuances synonymiques qu’il possède, principalement pour exprimer des idées abstraites ; ainsi l’on a compté 18 mots pour l’idée de briser, broyer ; 14 pour la confiance en Dieu ; 25 pour l’observation de la loi, etc., voir sur ce sujet, qui n’intéresse directement qu’un petit nombre de personnes, l’excellente grammaire de M. le professeur Preiswerk (Genève 1838), et, en allemand, celles de Gesenius, de Freytag, d’Ewald et de Stier (1re partie). Nous n’indiquons que celles-là, quoiqu’il y en ait d’autres en latin, en allemand, en anglais, et même en français (Cellérier) ; mais elles sont, les unes abandonnées, les autres discréditées, faibles ou mauvaises, et les cinq ci-dessus nommées, sur tout le Lehrgebaû de Gesenius, et celui de Stier, suffisent amplement pour une étude approfondie du texte sacré, comme la grammaire française de Preiswerk suffit à celui qui veut seulement se mettre à même d’étudier dans l’original le sens de la parole divine ; l’introduction à ce dernier ouvrage renferme l’histoire de la langue hébraïque, et des considérations générales sur la structure de l’hébreu, qui ne seront pas sans intérêt même pour des lecteurs étrangers à cette étude.

L’histoire des Hébreux appartient à la partie la plus admirable et la plus sûre de l’histoire ancienne, et quoiqu’elle se présente rarement unie à celle des autres nations, quoiqu’elle ne soit guère entrée dans le concert politique de ces temps reculés, elle n’en mérite pas moins, comme elle l’a toujours obtenue, l’attention des sages, des savants et des historiens. L’Écriture sainte est la seule source authentique qui nous ait transmis les faits et gestes des Hébreux ; ce qu’en racontent les auteurs profanes est empreint de l’ignorance dans laquelle ils étaient sur une nation qui leur fermait en quelque sorte ses portes par son isolement, et l’on trouve chez eux les fables les plus ridicules et les accusations les plus étranges ; Josèphe qui a puisé aux sources inspirées, peut être accusé d’avoir quelquefois embelli par patriotisme, et aux dépens de l’exacte vérité, les faits dont il avait connaissance ; mais son histoire n’en est pas moins utile à consulter, voir encore en français Prideaux et G. Monod (Éssai, etc.).

On divise ordinairement en quatre périodes l’histoire des Hébreux jusqu’à l’exil : D’Abraham à Moïse, environ 600 ans. De Moïse à l’établissement de la royauté, 500 ans. De Saül à Salomon, 120 ans. Depuis le schisme des deux royaumes jusqu’à l’exil, 387 ans (de 975 à 588 av. J.-C.). Dans la première période, la postérité d’Abraham se multiplie et devient peuple ; dans la seconde, elle reçoit et accepte une constitution théocratique dont Dieu est le roi, c’est une époque de miracles, l’intervention divine dans le gouvernement direct ; dans la troisième, changement de constitution, le roi est faillible, et le sort du peuple dépend de la fidélité de son roi ; dans la quatrième, rivalités, schismes, usurpations, guerres civiles, meurtres, idolâtrie et châtiments. Avec Juda, Jérusalem tombe en ruines, 587 av. J.-C. Le chef-lieu politique et le sanctuaire religieux sont renversés ; le peuple est emmené captif, il n’y a plus de Juifs, mais seulement des colons, et les Hébreux eussent perdu à tout jamais leur nationalité, s’ils eussent pu la perdre.

Épître aux Hébreux. Elle a été écrite pour des Juifs, comme son titre l’indique, ou pour des chrétiens convertis du judaïsme ; il paraît en outre, par divers détails, qu’elle était adressée à une congrégation particulière ; cela se voit par la salutation que l’auteur adresse à ses lecteurs de la part des fidèles d’Italie, et par la promesse qu’il leur fait de se rendre bientôt auprès d’eux avec Timothée. Sîorr a pensé aux Juifs de la Galatie, Bengel à ceux de l’Asie Mineure (Pont, Cappadoce, Galatie et Bithynie) ; Semler à ceux de la Macédoine, d’autres à ceux de Home, d’autres à ceux d’Espagne, Zicglcr et Bœhme à ceux d’Anlioehe, Hase à ceux d’une portion peu visitée de la Palestine, que notre Sauveur n’avait pas évangélisé, et qui était livrée aux influences des Nazaréens et des Ebionites. On voit que les hypothèses ont fait le tour de l’empire romain ; on a cherché les Hébreux partout ailleurs que dans leur siège naturel, la Palestine, et Jérusalem en particulier ; c’est là cependant qu’il faut, selon toute apparence, les chercher ; les lecteurs de cette épître se présentent en effet d’une manière bien différente des Juifs ou des judaïsants, ordinairement combattus par saint Paul ; on voit en eux des hommes qui ont conservé un grand attachement pour le régime lévitique du temple, ainsi que pour la hiérarchie sacerdotale, dispositions qui se comprennent mieux chez des habitants du centre théocratique que chez des exilés. L’épître, d’ailleurs, ne trahit aucun indice de la présence ou du voisinage de chrétiens d’origine païenne, ou de démêlés entre les uns et les autres, et des allusions à ce fait n’eussent pas manqué, si les Juifs s’étaient trouvés hors de leur patrie religieuse. Nous n’hésitons pas à nous ranger sur ce point à l’opinion des Pères, Clément d’Alexandrie, Eusèbe, Chrysostome ( ?), Jérôme et Théodoret.

Le but de l’auteur est de détacher les chrétiens judaïsants des formes extérieures auxquelles ils continuent d’accorder encore trop d’importance. Quoique les Juifs convertis crussent bien à la doctrine fondamentale du christianisme, savoir que Jésus de Nazareth était le Messie promis, cependant plusieurs d’entre eux ne comprenaient pas bien que son règne différât en plusieurs points de l’économie de Moïse, et surtout ils ne pouvaient pas se faire à l’idée que, pour accomplir cette loi en esprit, le Messie l’abolirait dans ses formes. La loi de Moïse avait été virtuellement abolie par la mort de la grande victime expiatoire, mais par tolérance, par égard pour la faiblesse de conscience de quelques Juifs convertis, on leur avait accordé encore la permission d’observer les cérémonies particulières de cette loi, pourvu qu’ils ne les imposassent pas comme un joug aux gentils, et qu’ils n’y cherchassent pas pour eux-mêmes leur justification, ou un degré plus élevé de sanctification. Mais, malgré ces réserves, l’expérience montra que cette indulgence temporaire n’avait pas été heureuse, car au lieu de croître clans la connaissance de Christ comme fin de la loi et source de la justice, ils continuaient à être zélés pour la loi cérémonielle (Actes 15 et 21), et à se confier plus ou moins en leurs œuvres comme moyen de salut, ce qui les retardait dans la connaissance de l’Évangile (Hébreux 5.12-14). C’est à ce sujet que l’apôtre crut devoir leur écrire pour les détourner de ce dangereux formalisme ; il s’applique essentiellement à établir cette grande vérité générale, que l’économie mosaïque n’était qu’une économie inférieure, d’attente et de figures, qui devait être et qui est remplacée par l’économie supérieure des réalités, les prêtres et la loi ancienne étant infiniment inférieurs au Grand Prêtre et à la loi de la nouvelle alliance, et ne leur ayant servi que de types, comme cette loi elle-même en rendait témoignage. L’Épître aux Hébreux est une lettre, et non point un traité, comme pourraient le faire croire ce plan méthodique et régulier que l’on y trouve, ce style calme et travaillé, cette marche soutenue et cette pensée logique qui en font aimer la lecture à chacun. Les allusions à des faits de détail, et les salutations prouvent que c’était une lettre. On peut cependant la considérer aussi comme un traité sur les rapports de l’ancienne et de la nouvelle alliance, et cette question n’importe pas. Une question plus grave a été soulevée, déjà fort anciennement, sur l’auteur de cette épître ; mais disons-le de suite, ce n’est pas une question d’authenticité ou d’inspiration, c’est simplement une question d’auteur. Des théologiens pieux peuvent admettre, et il y en a qui le font, notamment Luther et Calvin, que l’épître aux Hébreux n’a pas été écrite par Paul comme on le croit généralement, et il faut avouer qu’aucun témoignage inspiré n’appuie la paulinité de cette épître, et qu’elle-même ne porte aucun nom d’auteur (le nom de Paul n’a été ajouté au titre que beaucoup plus tard). Ces théologiens acceptent comme inspirés tous les livres du Canon, et c’est pour eux quelque chose de peu essentiel que tel ou tel livre ait été écrit par tel ou tel disciple, apôtre ou prophète. C’est le seul point de vue à la fois raisonnable et conforme au respect que l’on doit à la parole de Dieu : quelques orthodoxes à vues étroites, ont oublié quelquefois que ce n’est pas la paulinité qui importe, mais la divinité, et ils ont appelé rationalisme l’opinion qui attribue cette épître à Apollos, Barnabas, Clément Romain, ou Luc ; c’est compromettre en pure perte et par une mesquine obstination, l’inspiration même des saints écrits.

Mais cela étant dit, si nous en venons à la question de fait, il nous paraît que la paulinité doit être maintenue. Les arguments historiques sont faibles de part et d’autre, mais faibles surtout chez ceux qui nient la paulinité, ce que plusieurs font par des raisons essentiellement intérieures et dogmatiques. Saint Paul n’ayant pas mis son nom en tête de sa lettre, sans doute pour ne pas effaroucher des lecteurs très prévenus contre lui à cause de son radicalisme en religion, il n’est pas étonnant que les auteurs nombreux qui ont cité cette épître, aient eux-mêmes négligé d’en nommer l’auteur, et l’on ne peut rien inférer de ce silence. La recherche et l’examen des témoignages historiques n’appartient pas au travail actuel, et cette question si compliquée ne saurait être résolue que dans une dissertation spéciale. Ajoutons seulement que si l’on n’adopte pas l’opinion de Bèze sur la paulinité, l’opinion la plus raisonnable serait celle de Hug, qui veut que Luc ait été le secrétaire de Paul en cette occasion ; peut-être aussi celle d’Olshausen qui pense que l’épître n’a pas été écrite au nom d’un individu, mais au nom d’une Église où Paul se trouvait présent ; l’apôtre l’aurait lue et approuvée et y aurait ajouté une apostille de sa main.

Il est clair que la personne de l’auteur n’étant pas connue d’une manière sûre, on a moins de données encore sur le lieu d’où l’épître fut écrite, et sur sa date. On la fait ordinairement partir de Rome, et en 63, A. Bost, Makenzie, etc. Parmi les nombreux ouvrages, dissertations, et commentaires qui ont paru sur cette épître depuis quelques années, nous ne citerons que les suivants : en allemand, Bleek et Tholuck ; en anglais, Mac Knight, Mac Lean, Mac Neil, Mandeville, et Moses Stewart ; en français, une excellente thèse du professeur Henri Laharpe, et l’Épître aux Hébreux (brochure), avec notes et marginales, publiée à Genève.