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Orge
Dictionnaire Biblique Westphal
Bost Calmet

(hébreu sehôrâh, grec krithaï). Cette céréale est mentionnée dans la Bible presque aussi souvent que le blé : 36 fois, dont 3 dans le Nouveau Testament ; il y est question soit de la plante sur pied (2 Samuel 14.30; Joël 1.11 ; Job 31.40 etc.), soit de ses semailles (Ésaïe 28.25 ; Lévitique 27.16 etc.) ou de sa moisson (2 Samuel 21.9 etc.), soit du grain récolté, vanné (Ruth 3.2), mesuré (Ruth 3.15), préparé pour l’alimentation (Ézéchiel 4.9-13), etc.

L’orge est de la famille des Graminées, genre hordeum. On pense que l’espèce connue de la Bible est généralement l’orge à deux rangs, hordeum distichum, qui a été trouvée à l’état sauvage dans l’Asie occidentale, l’Arabie Pétrée, autour du Sinaï, dans les ruines de Persépolis, près de la Caspienne, au midi de la Caucasie, en Turcomanie. L’épi de cette espèce (poumoule, baillarge, partielle, mar-sèche) est comprimé, allongé, à arêtes dressées ; il ne présente que deux rangées longitudinales de grains, les quatre autres étant avortées et représentées par des glumes. Dans l’hordeum vulgare, orge commune, les épillets sont en six rangs irréguliers, toutes leurs fleurs étant fertiles. Ce sont les glumelles inférieures, munies d’une très longue arête, qui ont valu au genre son nom d’hordeum (signifiant : hérissé de pointes, du latin horrere), comme aussi son nom hébreu qui signifie la barbue.

D’après Pline l’Ancien, l’orge aurait été le premier aliment végétal de l’homme. Elle était cultivée en Canaan avant la conquête israélite (Deutéronome 8.8) ainsi qu’en Égypte (Exode 9.31).

En Palestine les semailles d’orge se font normalement après les pluies d’automne ; l’époque de la récolte varie suivant le climat, entre mars (vallée tropicale du Jourdain) et le début d’août (sur les hauteurs), dans la moyenne en avril, donc autrefois aux environs de la Pâque (cf. Lévitique 23.10-12). La moisson des orges précédait celle des blés (Exode 9.31 et suivant, Ruth 1.22 ; Ruth 2.23) ; la coutume généreuse envers les glaneuses était la même pour les deux moissons (Ruth 2.16 et suivant).

L’orge était généralement préparée sous formé de pain ou de gâteau non levé, sorte de galette ronde (Juges 7.13). Tels devaient être les gâteaux de farine de Sara faits en l’honneur de l’étranger (Genèse 18.6) ; encore aujourd’hui, les Arabes du désert offrent à leurs visiteurs imprévus des galettes d’orge cuites à la hâte. Tels étaient les vingt pains du miracle d’Élisée (2 Rois 4.42). Tels étaient les cinq pains du petit garçon le jour de la multiplication des pains par Jésus : c’est le 4e Évangile qui nous apprend qu’ils étaient d’orge (Jean 6.9-13). Le pain de farine d’orge est lourd, grossier et moins nourrissant que le pain de seigle ou de blé, car il est dépourvu du gluten qui rend la farine plus savoureuse et qui est essentiel à la fermentation de la pâte. Aussi, avec le développement de la civilisation, l’orge céda-t-elle la place peu à peu au froment ; évaluée moins cher que lui, deux fois (2 Rois 7.1 ; 2 Rois 7.16) ou trois fois (Apocalypse 6.6), elle demeura la nourriture des pauvres, des campagnards (Ruth 3.15) et des populations refoulées des plaines sur les sommets.

Les troupes romaines défaillantes en temps de guerre étaient condamnées, d’après Tite-Live, au pain d’orge au lieu de pain de froment ; en pays turc, le commun peuple se plaignait couramment que les oppresseurs ne lui laissaient à manger que du pain d’orge ; les bédouins lancent parfois contre leurs ennemis Piniure : mangeurs de pain d’orge ! Cette infériorité de l’orge éclaire plusieurs textes bibliques : le gâteau d’orge que le Madianite voit en songe représente pour lui l’ennemi israélite méprisé, troupe de paysans (Juges 7.13), qui va d’ailleurs vaincre les guerriers professionnels ; le prophète dénonce un choquant contraste dans son apostrophe : « Vous me déshonorez pour quelques poignées d’orge ! » (Ézéchiel 13.19) ; c’est l’orge qui constitue le salaire infamant de la femme adultère (Osée 3.2), ou encore qui remplace le blé, par flétrissure, dans l’étrange offrande de jalousie (Nombres 5.15).

Les grains d’orge entrent dans la composition de la bière (mélangée au houblon depuis le IXe siècle). Un usage analogue était connu dès la plus haute antiquité, de l’Égypte et d’Israël, des Grecs et des Romains. La Mischna parle de différentes boissons fermentées dont le vin d’orge, pour lequel l’Égypte était renommée : c’était la boisson d’orge fermentée, et elle a précédé dans tous nos pays la bière proprement dite.

L’orge était si commune en Palestine qu’elle ne servait pas seulement, comme le blé, à certains paiements en nature (2 Chroniques 2.10 ; 2 Chroniques 27.5), mais qu’elle entrait surtout, à la place de l’avoine, à peu près inconnue, dans l’alimentation du bétail : attelages de Salomon (1 Rois 4.28), mulets, etc., comme on le voit aussi dans Homère. Les rabbins l’appelaient la nourriture des animaux. C’est aussi l’abondance de ses grains qui lui valut de servir primitivement d’unité de mesure linéaire : en longueur, 2 grains d’orge équivalaient à un doigt, 8 à une main, 24 à un empan, 48 à une coudée de 45 cm ; cette dernière mesure était encore établie, d’après la tradition rabbinique, par 144 grains d’orge (12 x 12) de taille moyenne placés côte à côte en largeur.

Jean Laroche


Dictionnaire Encyclopédique de la Bible par Alexandre WESTPHAL, Pasteur, Docteur en Théologie, et professeur honoraire de l'Université de Toulouse (Faculté de Théologie protestante de Montauban).
Edition originale publiée en 1932 par les Editions et Imprimeries « Je Sers », Issy-les-Moulineaux. Imprimeries Réunies Ducros et Lombard, Aberlen et Cie. Valence sur Rhone.
Numérisation Yves PETRAKIAN – 2005 France.